Avec Invisible, le romancier new-yorkais signe l’un de ses meilleurs textes. On y trouve certains de ses thèmes fétiches, tels le secret, le doute, la paranoïa, la fuite ou le travail d’écriture, mais sans impression de déjà-vu. Au contraire, il émane d’Invisible un charme que n’avaient pas Seul dans le noir ou Dans le scriptorium, deux récits pourtant très réussis. En déplaçant à diverses reprises le motif central de l’action dans Invisible, Paul Auster se montre, 25 ans après Cité de verre, au sommet de son art.
Invisible débute comme une confession, puis évolue en thriller et en quête de vérité. En 1967, Adam Walker étudie la littérature anglaise à Columbia. Un soir de fête, il rencontre un mystérieux couple français, Rudolf Born, un politologue invité à la School of International Affairs, et sa compagne Margot. Sans autre forme de préambule, Born propose à Walker de lui financer un magazine littéraire. Surpris, Walker accepte pourtant cette proposition extravagante et se lie d’amitié avec le couple. Leurs relations prennent bientôt une tournure imprévue avec le meurtre d’un jeune Noir à Central Park. Puis, Auster brouille les cartes. Le récit change de narrateur et d’époque. Ce sera un ancien confrère de Walker, James Freeman, devenu auteur à succès, qui assumera la suite de la narration à partir d’un manuscrit que lui a laissé Walker.
À l’origine, Auster voulait diviser son histoire en trois tranches de vingt ans : 1967, 1987 et 2007. On peut se réjouir qu’il ait changé d’idée, car la structure bouleversée du roman le rend profondément original. Qu’y a-t-il d’« invisible » dans ce livre, sinon le dur labeur de l’écrivain ? Sous des dehors de prose simple et limpide, Auster a dissimulé un dispositif narratif compliqué à souhait et qui, comme l’indique la quatrième de couverture, constitue une « superbe variation sur ‘l’ère du soupçon’ ». Superbe ? le mot est faible.