Méticuleux, précis comme un géomètre, ennemi du flou, Jean-Nicolas De Surmont liquide en quelques pages d’introduction tout risque de malentendu à propos d’une certaine activité culturelle québécoise. Poésie vocale, poésie orale, chanson signée, chanson de tradition orale, autant de termes dont il circonscrit utilement la portée. Larousse se réjouirait, lui qui attendait de l’accord sur les termes l’entente sur les idées. Parler de chanson n’aurait-il pas été plus simple ? Peut-être, mais la clarté en aurait souffert et certains débats se seraient enlisés.
Ce criblage de la terminologie servira surtout, on s’en doute, à la gent universitaire. Le commun des mortels, quant à lui, considérera encore qu’une chanson est une chanson. Le petit livre de De Surmont rendra quand même service à tous les publics qu’intéresse l’histoire de la chanson ; c’est là, plus que dans le cadastrage du vocabulaire, que réside, en effet, l’aspect le plus accessible de l’ouvrage.
Solidement documenté quant à la poésie vocale et à la chanson québécoise, De Surmont obtient moins aisément l’adhésion quand il touche au contexte social et politique. Si, par exemple, la bibliographie mentionne les travaux effectués par Maurice Carrier et Monique Vachon sur les Chansons politiques du Québec (Leméac, 1979), le poids de ces relevés n’apparaît guère dans le bilan d’ensemble. Par ailleurs, s’il est vrai qu’il y eut essoufflement des chansonniers lors de tel virage politique, il n’y a pas à se demander pourquoi. Autant « Bozo-les-culottes » sonnait juste face au régime à basse teneur culturelle de Robert Bourassa, autant Raymond Lévesque perdait ses cibles une fois Gérald Godin et consorts au pouvoir. Par ailleurs, on aurait apprécié que l’auteur tente d’expliquer pourquoi La bonne chanson de l’abbé Gadbois passa subitement du succès au mutisme. Est-il vrai, comme certains l’ont cru à l’époque, qu’une certaine éminence épiscopale appréciait peu le contenu France royaliste des divers albums, avec leurs Chouans, le « petit mousse noir» et le combat de Saint-Denis « contre les Anglais la canaille» ? Sur ce terrain, qu’il s’agisse de poésie vocale et ou de chanson, l’histoire n’a pas encore tout dit.