L’histoire a bien failli ne pas retenir le nom de Mireille Havet (1898-1932), auteure de poèmes, de contes et d’un bref roman, Carnaval (1922), qui, par divers côtés, évoque Radiguet. Mireille Havet est également l’auteure d’un volumineux Journal, tenu entre 1913 et 1929 et exhumé tout à fait fortuitement en 1995. Depuis 2003, les éditions Claire Paulhan s’emploient à publier intégralement cet écrit intime droit sorti des limbes et qui vaut à son auteure une place de choix aux côtés de Marie Bashkirtseff, Catherine Pozzi et Anaïs Nin.
Si l’écriture d’Havet est belle et maîtrisée, son existence se révéla beaucoup moins reluisante. Certes, la fureur de vivre qui l’animait lui fit mordre dans la vie à pleines dents avec l’hédonisme prôné par Gide dans ses Nourritures terrestres, un livre dont elle raffolait. Mais cette même fureur la conduisit d’un excès à l’autre. Le plus ruineux lui vint sans doute de sa dépendance aux drogues : opium, cocaïne et morphine firent autant de ravages à son organisme qu’à sa situation matérielle. De même, sa vie amoureuse, pourtant portée par une intense liberté et un inébranlable mépris du qu’en-dira-t-on, la fit chercher sans relâche l’âme sœur. Bien sûr, cette fieffée séductrice, qui affichait depuis l’adolescence une homosexualité teintée d’androphobie, aura connu de grandes passions : Madeleine de Limur, Marcelle Garros, Reine Bérard C’est cependant seule et flétrie qu’elle termina sa vie à seulement 33 ans dans un sanatorium suisse, sans jamais être parvenue à tenir son destin entre ses mains.
Dans cette toute première biographie lui étant consacrée, Emmanuelle Retaillaud-Bajac retrace avec brio la destinée fulgurante, passionnée et tragique de cette « enfant terrible ». Le clin d’œil à Cocteau est justifié, car non seulement Mireille Havet faisait partie de son cercle d’amis, mais c’est à elle que l’auteur d’Orphée eut recours en 1926 pour créer le rôle de la Mort, un rôle qui, hélas, ne lui allait que trop bien