Cette nouvelle de Stefan Zweig paraît pour la première fois en traduction française. Pendant longtemps, on n’en connaissait qu’un fragment inséré dans un recueil, jusqu’à ce qu’un tapuscrit annoté de la main de l’auteur ait été retrouvé à Londres des années après sa mort.
À l’instar des héros de Balzac et de Stendhal, Louis est un jeune homme parti de rien, mais débordant d’énergie et d’ambition. Son patron, le Conseiller G., directeur d’une grande usine de Francfort, remarque vite sa « volonté fanatique ». Reconnaissant en lui un futur successeur, il en fait son secrétaire particulier, puis son homme de confiance pour une mission au Mexique. Mais l’épouse du Conseiller a elle aussi remarqué le jeune homme. Entre elle et lui naît un amour que viendra contrecarrer, avec le départ de Louis pour le Mexique, une séparation de neuf ans. Seule consolation (mais en est-ce vraiment une ?) : la femme du Conseiller promet de se donner à Louis dès son retour de mission. Ce canevas ainsi posé, Zweig examine ensuite le problème qui donne toute sa force à la nouvelle : l’amour est-il à l’épreuve de tout ? Quel effet auront sur lui l’éloignement, la guerre et une trahison de Louis ?
La réputation de Zweig comme analyste psychologique et peintre de l’inquiétude amoureuse n’est plus à faire. Sa prouesse, ici, consiste à relater les faits du point de vue du narrateur masculin, tout en détournant l’intérêt du lecteur vers l’énigmatique femme du Conseiller, dont on saura, au fond, si peu de choses. Empreint d’une nostalgie typiquement viennoise, Le voyage dans le passé est à situer dans la lignée des meilleurs récits de Zweig, tels La pitié dangereuse et La confusion des sentiments.