Jorge Volpi est l’un des nouveaux écrivains mexicains de l’heure. Né à Mexico en 1968, il fait partie de ces auteurs qui ont reçu le grand legs de la génération antérieure, celle du 1968 mexicain, de la révolution pacifique, de la culture underground et urbaine, de la nouvelle mexicanité, moderne et à la fois plus près des racines autochtones du Mexique profond. Cette génération qui est aussi celle de la fameuse littérature de la Onda, qui comme son nom l’indique s’est inscrite dans la lignée de la Beat generation, avec quelques années de retard, et beaucoup d’imagination d’avance. Volpi et ses pairs ont poursuivi leur carrière dans des voies plus contenues que leurs aînés, sans doute, mais comme eux ils restent toujours ludiques et impitoyablement lucides.
Les écrivains de la Onda sont passés, laissant derrière eux quelques excès, une formidable propension à l’irrévérence, un travail constant sur la langue et une nouvelle génération d’écrivains en devenir, dont on voit aujourd’hui le fabuleux résultat. Ces nouveaux écrivains sont peut-être plus conventionnels que leurs pères, mais ils continuent d’explorer des thèmes, des styles, des genres toujours nouveaux et éblouissants.
Le jardin dévasté de Jorge Volpi s’inscrit très nettement dans cette foulée post-Onda. Court roman, série de courts chapitres en forme de tableaux, nouvelles réunies dans une trame romanesque hybride, cumul de deux récits qui se croisent et s’éloignent pour s’épouser finalement dans une histoire à la fois intimiste et éclatée, difficile de trouver le genre véritable de ce livre. Mais cela importe peu. Entre un narrateur qui raconte ses déboires amoureux et multiplie les aphorismes, et une jeune femme irakienne, Leïla, qui erre dans son pays à feu et à sang en pleurant sa famille décimée, c’est toute la solitude du monde qui dessine ici son histoire. La désolation, l’absence de compassion, la course de l’homme vers son autodestruction, ce plat glacial nous est servi sur le plateau d’argent d’une concision sans pareille et d’une redoutable poésie de l’immédiat. Le dérisoire est là, partout, le sentiment est toujours fugace, l’évocation, brève et floue, et pourtant chaque souvenir mérite d’être inscrit, conservé, raconté.
C’est là sans doute que ce petit livre trouve tout son sens : Leïla devant l’Abominable, Ana la triste amante, le narrateur dépassé par la force du temps qui file, tout cela ne sert qu’à nous rappeler que l’important est le détail. Prélude à tout amour, à toute compassion. La brièveté des 114 chapitres est là aussi pour nous le rappeler.