Le recueil de nouvelles d’Éric Simard, Être, est centré sur un projet narratif qui accumule les récits autour d’une idée fixe (l’apprentissage de l’existence à partir du singulier) et d’une progression thématique et chronologique (de la petite enfance étouffante à la vieillesse). C’est dire que les nouvelles ne se répondent pas par les protagonistes qu’elles mettent en scène, mais par une unité à situer davantage dans le propos et dans la vision suggérée du monde. Le risque est alors très grand de passer par des chemins rebattus, et Simard n’évite hélas aucunement ce piège.
Une volonté d’aller au plus général des existences humaines est au centre d’Être. En présentant des personnages moyens, en évitant souvent de les nommer, en limitant les ancrages spatio-temporels, en titrant chaque nouvelle à partir d’un verbe à saisir telle une étape de l’apprentissage de la vie, Simard vise à cartographier les grands axes du développement humain en insistant sur les blessures premières, sur la découverte difficile de soi et de l’autre, avec ses lots d’incompréhension réciproque et de violence. Chaque récit prend alors prétexte d’un élément précis, toujours isolé par la narration dans un espace sans mise en contexte, à valeur universaliste, où l’intimité de chacun est décrite à fleur de peau, sans l’économie des clichés, ce qui rend les chutes prévisibles. Ainsi, de la naissance à la mort, ce sont toutes les actions centrales d’une vie qui passent par une vision convenue du monde où la famille est toujours invivable, un carcan impossible, à moins d’en être privé.
L’écriture de Simard est fondée sur la répétition, le ressassement, le recours fréquent à la banalité, afin de faire ressortir une certaine exemplarité des trajets esquissés. Le point de vue narratif se fixe toujours sur un objet, ne dévie pas de cette trajectoire, s’attarde à peindre les gestes et les situations dramatiques sans jamais déroger à la voie courte, celle qui devrait nous installer dans la tension, l’appréhension du monde à partir de sa fugacité, mais l’exercice tombe à plat parce que rien ne perce derrière l’idée, ni le style, assez plat, ni le propos, bancal, ni le point du vue narratif, par trop limité. Il en résulte un recueil qui s’étire à partir d’une idée somme toute valable, bien que vite épuisée, mais sans que la vie perce vraiment, dans ses effleurements subtils, la toile des récits.