Alfred Döblin, né en 1878, a été médecin dans les quartiers populaires de Berlin. Étant juif, il a dû quitter l’Allemagne en 1933. Il a vécu en France et aux États-Unis pendant plusieurs années, pour ne retourner dans son pays qu’en 1957, peu avant sa mort. Son roman Berlin Alexanderplatz a été publié chez Gallimard dès 1933. Mais pour la présente édition, une nouvelle traduction a été réalisée par Olivier Le Lay. Une traduction qui fait retrouver à l’œuvre « toute la puissance de sa langue, sa violence, sa richesse et son urgence ». Il faut dire que ce n’était pas là une tâche aisée, car Berlin Alexanderplatz est vraiment un roman singulier. Et quel style unique que celui d’Alfred Döblin ! Il emprunte une voix brute, calquée sur l’oral, cynique et parfois déroutante, où alternent le soliloque du protagoniste et la parole du narrateur-auteur qui apostrophe à l’occasion le lecteur. Il raconte l’histoire d’un homme ordinaire, avec une teinte de cynisme ou de sentiment d’impuissance devant l’inéluctabilité du destin.
Au début de l’ouvrage, c’est l’hiver 1927-1928 et Franz Biberkopf sort de prison après avoir purgé une lourde peine pour le meurtre de sa femme. Il est résolu à mener dorénavant une existence honnête. Malgré les difficultés dues à la situation économique désastreuse de l’Allemagne, il tient parole du moins jusqu’à ce que deux trahisons dont il est victime l’amènent à s’avouer vaincu. La seconde, qui est le fait de quelqu’un qu’il considère comme un ami, le laisse même infirme. Et son moral est au moins autant affecté que son corps. On comprend que la foi de Biberkopf dans la nature humaine et dans l’amitié est cruellement déçue. Par la force des choses, il retourne à sa vie de proxénète et de cambrioleur. Mais le mauvais sort et son « ami » n’en sont pas encore quittes avec lui. Une autre épreuve encore plus terrible l’attend : une épreuve qui l’amènera à se demander s’il souhaite toujours continuer à vivre
Le roman d’Alfred Döblin est suivi d’un texte de R. W. Fassbinder, qui livre « quelques pensées en désordre » sur cet ouvrage. Comme lui, je dois avouer avoir été tenté d’abandonner ma lecture au cours des 150 premières pages. Mais, à son exemple, j’ai ensuite constaté que je serais alors passé à côté d’une œuvre tout à fait exceptionnelle.