On ne peut pas parler de thriller pour décrire les romans de Donna Leon, ni affirmer que ses intrigues pèchent par excès de péripéties. Requiem pour une cité de verre n’échappe pas à cette règle. Pour tout dire, il faut attendre la découverte d’un cadavre en page 143 pour que débutent les choses sérieuses. Et encore !
C’est le printemps à Venise. Le commissaire Brunetti a des envies irrépressibles de fuir son bureau pour humer l’odeur des premières fleurs. Il accepte donc volontiers d’accompagner son adjoint Vianello à Mestre pour faire libérer un ami, Marco Ribetti, arrêté lors d’une manifestation dénonçant la pollution industrielle dans la lagune. En sortant du poste de police de Mestre, les deux policiers sont témoins d’une violente altercation entre Ribetti et son beau-père, Giovanni De Cal, un riche industriel propriétaire d’une fonderie de verre à Murano. Peu de temps après, Brunetti apprendra que De Cal a publiquement et à plusieurs reprises proféré des menaces de mort contre son écologiste de gendre. Toute la première moitié du livre raconte les démarches du commissaire pour savoir si ces menaces pourraient être fondées.
Au moment où il réalise que celles-ci n’étaient que des paroles en l’air, on découvre le cadavre de Giorgio Tassini, le gardien de nuit de l’usine De Cal, mort devant un fornace, une tige de souffleur de verre à la main. La victime était également un ardent écologiste sur le point de dénoncer certains industriels coupables d’avoir pollué les eaux de Venise et, de ce fait, d’être responsables des problèmes neurologiques de sa fille. Toutefois, l’autopsie révélera qu’il est mort d’une crise cardiaque provoquée par une trop longue exposition à la chaleur des fours. Alors que tout semble se diriger vers un non-lieu, Brunetti est informé in extremis d’un événement, apparemment anodin, de nature à rouvrir l’enquête. Là-dessus, Donna Leon clôt son roman.
Ceux qui sont sensibles aux atmosphères seront ravis de suivre le commissaire Brunetti dans ses déambulations vénitiennes, absorbé par le menu du soir autant que par son enquête, content d’assister à un vernissage avec sa femme Paola ou amusé de sa complicité avec la signora Elettra, la secrétaire de son patron, l’incapable Patta. Par contre, l’amateur d’intrigues savamment conçues et astucieusement résolues ne trouvera pas son compte dans ces affaires de vraies menaces et de fausse crise cardiaque qui finissent toutes deux en queue de poisson.