Voici enfin un essai qui, plutôt que de simplement décrier l’impopulaire réforme pédagogique implantée dans les écoles québécoises, se propose de l’examiner sous plusieurs aspects afin de dépasser l’anecdotique et de nourrir un sain débat sur sa logique interne. Quelques intervenants du domaine de l’éducation prennent la plume pour expliquer comment les concepteurs des programmes du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport ont pu procéder à une opération aussi boiteuse.
Basée sur le constructivisme, doctrine affirmant que le savoir n’existe pas en soi et qu’il est construit par l’apprenant au fur et à mesure qu’il appréhende le monde par son vécu, la réforme scolaire a instauré un relativisme cognitif absolu où l’élève est laissé aux effets déformateurs de ses opinions, de ses préjugés. Là où il aurait fallu un enseignement précis, sans aucune ambiguïté, les penseurs de l’instruction ont imposé un nivellement des connaissances, ramenant le savoir à la banale expérience commune et réduisant le rôle de l’enseignant autrefois spécialiste de matière à celui d’accompagnateur en voyage exploratoire, un guide qui se doit d’être centré sur les dispositions émotivo-cognitives de l’élève plutôt que sur les contenus disciplinaires.
La dislocation des cours, l’interpénétration des notions de différentes matières servent-elles vraiment les étudiants en les incitant à faire des liens logiques ou ne permettent-elles pas plutôt un décloisonnement disciplinaire favorisant la gestion comptable des ressources du personnel enseignant ? Après tout, quand la géographie n’est plus si loin des mathématiques, le prof de géo sans tâche peut enseigner l’algèbre
Le glissement harmonieux vers l’autonomie de pensée chez la clientèle se transforme en un inquiétant dérapage qui ne peut qu’aboutir à un gâchis, voire au sacrifice des « générations cobayes » de cette réforme.