Jean-Claude Kaufmann poursuit sa quête d’une sociologie intimiste, basée sur les détails les plus fins de la vie quotidienne. Kaufmann est réputé pour être un franc-tireur dans son milieu, lui qui rêve de révolutionner les sciences sociales. Cette fois-ci, le sociologue, directeur de recherche au CNRS, s’attaque à l’incontournable « unité de soi ».
Kaufmann remet en question cette idée largement répandue – donc fausse, selon lui – du « être soi-même ». Pour lui, le passé, aussi lourd soit-il, n’est qu’une ressource. L’erreur la plus importante étant de croire qu’il puisse dire qui l’on est. Car, « Je suis Légion ». L’individu un, stable et indivis n’existe pas mais est conglomérat de « je » différents qui, dans un mouvement de construction de soi perpétuel, met l’individu en tension. Un individu qui n’est rationnel et autonome qu’en surface !
La construction bibliographique est, ainsi, passée au crible. Plus nous voulons nous raconter une histoire cohérente de soi, plus nous recollons des morceaux du sens éclaté. Si nous donnons l’impression de présenter un être unique et unifié, c’est que nous ne cessons pas de travailler à notre unité qui se fait et se défait au gré des vents. Chaque instant est remis sur le métier car la division intérieure a lieu. Et à la fin de sa vie, se rendra-t-on compte – peut-être – que la destinée n’était qu’un ensemble incohérent de morceaux de temps vécus sans logique ? Somme toute, l’important aura alors été de feindre d’être enraciné dans un chemin de vie.
Une question demeure en suspens : au risque de quoi joue-t-on, à un rythme que l’auteur décrit comme effréné, à ces variations de soi ?