La commémoration des 40 ans de Mai 68 a failli nous faire oublier le séisme provoqué par les petits frères des soixante-huitards : le punk. Alors qu’une pléthore d’ouvrages en anglais ont déjà été consacrés à ce mouvement culminant de 1975 à 1981, bien peu d’études originales en français, jusqu’à cet essai de Christophe Bourseiller, ne leur avaient emboîté le pas. Génération chaos vient donc combler une lacune.
Le punk, avant de devenir le genre musical que l’on sait, fut d’abord un look subversif – c’est un euphémisme – qui bouleversa le paysage urbain, surtout londonien et new-yorkais, les deux foyers de la déferlante. Crêtes bigarrées, croix gammées, colliers à chien ou épingles de nourrice en guise de bijoux, parmi d’autres pièces d’un attirail dénotant un penchant pour la pornographie et les tueurs en série : les punks, première mouture, prenaient plaisir à piétiner les symboles et à horrifier les bien-pensants. Pour voir plus clair dans ce triomphe de la vibration négative et du désir de ne rien construire, dont les précédents seraient à chercher du côté de Dada, Artaud et les situationnistes, Bourseiller a eu la bonne idée de se faire à la fois historien et sociologue. Tout y passe : les musiciens punks avant la lettre : Lou Reed, Iggy Pop et les Stooges, Patti Smith ; les inventeurs de la mode punk : Malcolm McLaren et Vivienne Westwood ; les groupes fondateurs : The Ramones, Sex Pistols ; les clubs qui favorisèrent l’éclosion de la scène punk : le CBGB’s dans le Bowery (New York), le Roxy dans Covent Garden (Londres). Outre l’imposant index de groupes pour la plupart éphémères, comme les Dead Boys et autres Stinky Toys, on reste pantois devant les personnalités flamboyantes que le punk a produites : du coloré Genesis P-Orridge, père de la musique industrielle, au charismatique chanteur des Sex Pistols, John Lydon, alias « Johnny Rotten », dont les contorsions de visage et de corps étaient inspirées de l’art des cabarets et du cinéma burlesque.
On appréciera, en outre, le regard amusé que promène l’auteur sur les émules parisiens du mouvement. Le punk français, que Bourseiller juge « petit-bourgeois » avant 1981 (il deviendra ensuite social et engagé à gauche), vaut surtout comme curiosité pour les aficionados du Paris nocturne sélect. Davantage qu’un simple chapitre dans l’histoire du rock, le punk représente « le roman noir d’une génération ».