Alice Munro nous éblouit et nous vénérons Jane Campion – seule femme à avoir remporté une Palme d’or à Cannes. Que la réalisatrice néo-zélandaise porte à l’écran « Fugitives », une des huit nouvelles que l’Ontarienne a réunies sous ce titre, est un heureux présage de l’année qui commence.
Fugitives. Les héroïnes de Munro, nos sœurs, nos voisines, cherchent à se libérer d’un père ou d’un mari trop présent ou trop puissant ; d’un ordre établi, familial ou religieux, particulièrement étouffant ; d’un milieu tiède ou ennuyant à mourir. « La première fois, c’était exactement comme dans la chanson des Beatles. […] Elle fredonnait d’ailleurs cette chanson dans la camionnette qui accélérait en vrombissant. She’s leaving home, bye-bye. »
Passions, abandons, fuites, courses folles, douleurs ou quête de liberté, la nouvelliste Munro nous fait vivre, l’espace d’une rencontre parfois, les émotions de ces fugueuses qui veulent aller voir ailleurs. Leurs destins sont souvent douloureux, leurs échecs et leurs exils tragiques. « C’est donc cela le chagrin. Elle a l’impression qu’un sac de ciment déversé en elle a rapidement durci. »
Maintes fois comparée à Anton Tchekhov, Munro – qui n’a jamais cédé à la tentation du roman – demeure à 77 ans un maître incontesté de la longue nouvelle. L’écrivaine sculpte délicatement, au ciseau et dans la dentelle, ses atmosphères étouffantes et ses histoires universelles de femmes en quête d’autre chose. Munro raconte des personnages qui nous ressemblent. « Mais qu’est-ce qui compterait pour elle ? Comment saurait-elle qu’elle était vivante ? »
Fuir et mentir ou alors renoncer. Elles ne gagnent pas toujours, les femmes d’Alice Munro. Elles essaient, avec force, avec rage, avec innocence, parfois avec inconscience et fragilité. Elles ont du moins le mérite d’essayer. Le bonheur n’est pas toujours au rendez-vous.