Jean-Paul Daoust est actif sur la scène littéraire québécoise depuis le milieu des années 1970. On lui doit une trentaine de recueils de poésie ainsi que deux romans. Pour ce nouveau titre, il s’est associé au musicien Manu Trudel, présentant ainsi une œuvre hybride qui conjugue poésie et accompagnements sonores. À cet égard, la collection dans laquelle figure l’ouvrage, « Hôtel central », dirigée par Christine Germain, a pour mandat de permettre cette rencontre fort souhaitable entre la poésie et la musique.
Daoust écrit : « La douleur n’offre aucun choix ». Sans aucun doute, le mode élégiaque renvoie à l’expression de la souffrance.Le titre du livre, Élégie nocturne, suggère d’emblée une tonalité bien définie. Dans cette suite de courts poèmes en prose, comme s’il était le spectateur de sa propre saison en enfer, le poète est montré devant la fenêtre de sa chambre d’hôtel. Il observe les intempéries qui ont lieu à l’extérieur, mais aussi, il explore les rigueurs de son propre paysage intérieur. « La neige dit tout le silence du monde. [ ] Un écrivain va à la fenêtre regarder le poème qui neige dans la pluie. » Page après page, on le suit dans la grisaille de son présent, dans sa vie égarée de noctambule. Parallèlement, le texte expose le passé de l’écrivain, ses blessures de jeunesse, sa genèse. Notons aussi la présence du « dragon », un leitmotiv énigmatique, une figure polysémique qui vient ponctuer, rythmer et nourrir l’ensemble, et à laquelle chaque phrase semble être tributaire. On peut lire : « [ ] ce poème qu’il a tant travaillé. Comme le dragon va être content quand il le récitera juste pour lui ». Cela dit, le recueil est constitué d’un enchaînement de 57 brefs tableaux d’une prose riche aux teintes sombres et mélancoliques. Dans leur version enregistrée, les tableaux ne sont pas disposés dans le même ordre que dans la version imprimée. D’une certaine façon, le livre et le disque sont deux variantes d’une œuvre qui pourrait en compter d’autres. Enfin, la musique de Manu Trudel est adéquate et efficace, elle supporte bien le texte, même si parfois on souhaiterait qu’elle fasse preuve de plus d’audace.