Cet entretien réalisé (en italien) dans le quartier de Greenwich Village en 1969, lors du deuxième voyage de Pier Paolo Pasolini (1922-1975) aux États-Unis, faisait suite à la sortie du film Porcherie, qui offrait une vision assez pessimiste des rapports humains. La présentation de Luigi Fontanella (qui occupe presque la moitié des pages) rapproche la pensée du poète-écrivain-cinéaste-théoricien de ses livres qui étaient alors en gestation : en particulier ses écrits théoriques et le recueil d’essais L’expérience hérétique, contenant un texte dans lequel Pasolini évoquait avec enthousiasme ses impressions de ses deux séjours aux États-Unis. Pour lui, New York est « une ville magique, bouleversante, d’une grande beauté ». On rappelle fort à propos que c’est après ce voyage que Pasolini a rédigé son magnifique scénario Saint Paul (Flammarion, 1980), dont l’action transposée se serait située à New York en 1969.
En dépit de sa brièveté relative (une cinquantaine de pages), ce dialogue très riche avec Giuseppe Cardillo permet à Pasolini de parler de ses premiers tournages, de sa conception de la poésie, de son engagement politique, mais également d’aborder des sujets comme le sacré et le divin. D’entrée de jeu, Pasolini définit le cinéma comme « un hypothétique, un impossible plan-séquence infini, comme infinie est la réalité qui défile sous nos yeux ». Plus loin, Pasolini explique en détail son adhésion précoce au marxisme, mais également sa conception du religieux, qui ne contredit aucunement le fait qu’il soit laïc, agnostique et marxiste. Par ailleurs, quelques pages évoquent ses lectures de jeunesse : l’influence provisoire de Gabriele D’Annunzio – qu’il récusera -, sa préférence pour des poètes français comme Rimbaud et Baudelaire. Longtemps critique de livres, Pasolini dénonce fort à propos la littérature contemporaine, qu’il considère trop proche du système de la société de consommation ; le théâtre et la poésie semblent toutefois échapper à cette dérive commerciale.
Cet ouvrage important s’ajoute à une série d’inédits de Pasolini récemment publiés et trop peu signalés, comme l’excellent recueil Les terrains, Écrits sur le sport, paru en 2006 dans les « Cahiers Roger-Vailland » des éditions Le Temps des Cerises. Notons par ailleurs que L’inédit de New York est moins dense que la réédition augmentée des Entretiens avec Pasolini, de Jean Duflot, publiés chez Gutenberg.