Ce journal relate le voyage à travers l’Amérique latine de Che Guevara et de son ami Alberto. Au départ, il ressemble à tous ces voyages que les jeunes entreprennent avant la fin de leurs études pour voir le monde, mais on sent déjà leur désir de ne pas vivre dans la routine et la vie sans histoire de la bourgeoisie. On les sent exaspérés par toutes les tracasseries administratives qui se multiplient dans les pays qu’ils visitent, eux qui rêvent de liberté.
Comme on connaît déjà la vie du Che, l’histoire de ces deux jeunes en mal d’aventure nous semble bien banal, on les voudrait tout de suite plus émus du sort réservé aux Indiens, aux ouvriers qui travaillent très dur dans les mines, qui sont mal payés et exploités, et à tous ceux qui vivent dans les bidonvilles.
Très vite abandonnés par leur vieille motocyclette dénommée Ponderosa, qui veut dire La Vigoureuse, ils doivent compter sur le passage de camions conduits par de bons samaritains et voyager souvent dans des conditions déplorables, avec des animaux, et en subissant les intempéries. Pour le gîte et le couvert, ils comptent sur les gardes civils dans les villages, les hôpitaux et les léproseries qu’ils visitent à titre de médecins. Ils sont souvent très bien reçus par les médecins de ces hôpitaux, mais constatent la vétusté, la malpropreté et le peu de moyens avec lesquels ces derniers doivent exercer.
Entre ces haltes, ils sont plus souvent qu’à leur tour affamés, gelés et malades, dormant à la belle étoile, dévorés par les moustiques mais quand même touchés par les ruines, les sites archéologiques et les vestiges des splendeurs de l’Empire inca sur lesquels les conquistadors ont édifier leurs cathédrales.
C’est à Caracas, sur le chemin du retour où il aspire à finir sa médecine, enrichi de tout ce bagage de sensations et d’expériences accumulées au cours du voyage, que Che Guevara rencontre un homme qui a fui un pays d’Europe pour échapper au couteau dogmatique. Cet homme attend l’heure du « grand événement ». Au cours d’une soirée de discussions bien arrosée, il laisse tomber cette phrase : « L’avenir appartient au peuple qui, pas à pas ou d’un seul coup, va conquérir le pouvoir ici et partout dans le monde ».
La suite du discours de cet homme le convainc de sa future mission de révolutionnaire. « Je savais qu’au moment où le grand esprit directeur porterait l’énorme coup qui diviserait l’humanité en à peine deux factions antagonistes je serais du côté du peuple. »