L’événement : le 3 juillet 2008, par un matin de pluie diluvienne, 450 manifestants contre l’occupation canadienne en Afghanistan font face à plusieurs centaines de policiers antiémeute dans les rues de Québec et réussissent à perturber une parade du Royal 22e Régiment. La question : quoi de neuf y a-t-il à dire ou à penser du combat anti-impérialiste du Che, mort en martyr en 1967 ?
Sinon que le temps œuvre pour tous ceux et celles qui étudient, travaillent et militent en vue d’un monde meilleur, quel que soit le nom qui sera donné à ce monde.
Trois textes du révolutionnaire et homme d’État cubain le Dr Che Guevara sont réunis dans la plaquette Justice globale : « En Algérie », un discours tenu le 24 février 1965 à l’occasion du second Séminaire de solidarité afro-asiatique ; « Le Socialisme et l’Homme à Cuba », une lettre publiée le 12 mars 1965 par l’hebdomadaire uruguayen Marcha ; « Créer deux, trois, une multitude de Vietnam, telle est la consigne », un message à la Tricontinentale de solidarité des peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine, publié dans la revue du même nom le 16 avril 1967.
Ces textes, les plus connus du Che, résument l’essentiel de la pensée qui a guidé son action ; relire la pensée du Che et vérifier si celle-ci s’adapte ou non à la nouveauté des problèmes que rencontre le monde de 2008 est un exercice stimulant.
Les problèmes décriés aujourd’hui, à savoir que l’océan des affamés, des opprimés, sans pouvoir politique ni économique, est tenu en joue par la canaillerie impérialiste, demeurent les mêmes que ceux des années 1965-1967.
La solution proposée par le Che touche, en gros, deux volets : le premier est de traduire ce « cri de guerre poussé à la face de l’impérialisme et une clameur en faveur de l’unité des peuples contre le grand ennemi du genre humain : les États-Unis d’Amérique du Nord » en « une guerre de longue haleine » en amenant « l’ennemi à livrer de dures batailles hors de son terrain et le priver de ses bases d’approvisionnement, c’est-à-dire de ses territoires dépendants ».
Cette méthode de guérilla connue sous le vocable de foquismo est morte militairement et stratégiquement avec le Che en Bolivie le 9 octobre 1967. La guerre révolutionnaire se continue aujourd’hui sous la forme de la guerre populaire prolongée, inspirée par les écrits militaires de Mao Zedong. Elle est pratiquée par des millions de « damnés de la terre » menant une lutte victorieuse au Népal, aux Philippines et au nord de l’Inde.
Ces trois brefs discours, pleins de verve, sont une nourriture pour le cœur de tous ceux qui sont engagés dans la lutte sinueuse pour un monde meilleur, ce qui justifie amplement leur réédition et leur diffusion.
L’autre volet est le moyen pour accéder à la dite justice globale.
Le Che pousse ici à fond un humanisme révolutionnaire marxiste, opposant radicalement le sacrifice et la solidarité à l’égoïsme et à l’individualisme : pour dire simplement, il présente ces valeurs comme la seule voie vers la libération globale. Or, la voie du cœur ne suffit pas. Il faut aussi celles de la raison, de la science, de la logique, du formel. Un plan et une méthode pour faire de la nécessaire révolution planétaire du XXIe siècle une réussite.
Le « il ne convient pas de souhaiter le succès à l’agressé sans partager soi-même son destin ; il faut l’accompagner dans la mort ou jusqu’à la victoire ! » du Che doit plutôt se traduire en 2008 par la volonté de prendre le temps nécessaire pour étudier la science révolutionnaire, ce qui permettra aux nouvelles générations de bousculer avec réussite les fondations injustes et désuètes de l’ordre mondial actuel. Soyons clairs : l’humanité a déjà son lot de martyrs, et ce, surtout du côté de la défense de la justice globale.
À l’appel du Che, humaniste, j’oppose le besoin urgent, scientifique, d’une organisation internationale d’ingénieurs de la révolution, traçant les voies des changements nécessaires à venir. Et ce, pour permettre la réalisation des dits changements avec un minimum de morts et de blessés du côté des forces du changement et du progrès. Un peu comme s’il s’agissait de limiter les accidents avec la construction d’un pont. La lecture de Justice globale a l’avantage d’engager une discussion essentielle (et éternelle ?) entre la voie du cœur et celle de la raison, entre les théologiens catholiques de la libération, les Mgr Oscar Romero, et les marxistes révolutionnaires, entre les anarchistes et les communistes, entre les artisans de la station Radio Galilée et les maoïstes du journal Drapeau Rouge.
Osons rêver un monde plus juste.