La mort, perçue non comme une fatalité qu’il faut s’astreindre à repousser mais bien comme une étape favorisant la compréhension de la vie, se trouve au cœur de Depuis toujours, j’entendais la mer, roman d’Andrée Christensen, lauréate de trois prix littéraires. L’auteure a ficelé un récit initiatique semé d’embûches où l’existence apparaît sous un jour paradoxal, déchirée qu’elle est entre des élans contraires. C’est en fait à un voyage aux tréfonds de l’être que les lecteurs sont conviés.
Andréa reçoit le jour de son anniversaire un colis contenant des documents qui changeront à jamais le cours de sa vie : elle découvre une lettre écrite par un cousin éloigné, Thorvald Sorensen, de même que des notes éparses portant sur la vie de ce dernier. Dans sa lettre, Sorensen soumet un défi de taille à sa cousine, l’invitant à l’écriture d’une vie remplie d’aventures, de tragédies – sa vie à lui. Après moult réflexions, l’appel de l’aventure est accepté et Andréa se « sen[t] investie d’une tâche à accomplir ». Celle-ci promet d’être ardue, car la protagoniste devra, à l’instar de Sorensen, outrepasser ses peurs avant de pouvoir revenir à la vie.
Ainsi s’amorce une double quête initiatique – celle de Sorensen et, par ricochet, celle d’Andréa – articulée autour de la découverte de soi, de la vie et de son corollaire, la mort. Proposant une réflexion viscérale sur la finitude, ce « roman-tombeau » conduit le lecteur au-delà du simple constat d’une fatalité aliénante. L’écriture sensible, poétique, symbolique de l’auteure crée un état où l’angoisse à l’égard de la mort se trouve désamorcée. « Entrer chez les morts, c’est découvrir la vie », enseigne le roman. Voilà exactement l’odyssée que l’œuvre propose : comprendre, apprivoiser la mort pour mieux vivre la vie. Véritable bijou intellectuel par la qualité de son écriture et l’érudition manifestée dans le traitement des thèmes abordés, le texte d’Andrée Christensen s’impose à qui souhaite vivre une aventure quasi ontologique. Andréa se transforme au cours de son cheminement et parvient à se réconcilier avec ses frayeurs, avec son être. Le lecteur vit un voyage tout aussi significatif et la lecture de Depuis toujours, j’entendais la mer promet de susciter de nombreux questionnements et de modifier certaines perceptions à propos de la Grande Faucheuse.