Cette autobiographie de Simone Veil, qui s’est vite hissée parmi les meilleures ventes en France, emprunte le titre d’un roman de Maupassant. Elle aurait tout aussi bien pu reprendre celui du roman de Jean-Paul Dubois, Une vie française, ou adapter le sous-titre du Monde d’hier de Stefan Zweig : Souvenirs d’une Européenne. À plusieurs reprises en effet, la destinée personnelle de Simone Veil recoupe celle de la France et de l’Europe au siècle dernier. À 80 ans passés, cette grande dame de la magistrature et de la politique françaises signe un texte d’une grande profondeur de vue et de vécu.
Le parcours de Simone Veil n’a rien d’ordinaire. Survivante d’Auschwitz-Birkenau, elle a fait carrière dans la magistrature avant de devenir ministre de la Santé lors de l’élection à la présidence de Valéry Giscard d’Estaing en 1974. C’est à ce ministère qu’elle a fait voter la loi sur l’interruption volontaire de grossesse, qui dépénalisa l’avortement. Elle a été la première femme à présider le Parlement européen de 1979 à 1982. Elle a été, jusqu’à tout récemment, membre du Conseil constitutionnel et présidente d’honneur de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Son militantisme n’est pas terminé. À preuve, le portrait élogieux qu’elle trace, dans Une vie, de Nicolas Sarkozy est tempéré par les événements de l’actualité récente, alors que Veil a critiqué l’idée du président de confier la mémoire des enfants victimes de la Shoah à des écoliers de CM2. Depuis sa parution en novembre 2007, Une vie peut donc déjà être augmenté de quelques pages.
Différents aspects font d’Une vie une lecture prenante, à commencer par la limpidité de la prose. Il n’est pas nécessaire de bien connaître la vie politique française pour s’y retrouver. Veil rapporte ses souvenirs sans jamais surcharger son texte de données historiques, si bien qu’aucun éclaircissement infrapaginal n’est requis. D’ailleurs, les rares notes de bas de page sont des renvois à des documents placés en annexe. C’est tout dire. Les passages concernant la Shoah et l’immédiat après-guerre forment à n’en pas douter le point culminant du livre, non seulement en raison de leur forte charge émotive (la mère de l’auteure est morte à Bergen-Belsen, son père et son frère ont été assassinés en Lituanie), mais aussi à cause du regard lucide et serein que porte Veil sur les heures les plus noires de son passé.