Frédéric Mitterrand assista régulièrement au Festival international du film de Cannes, à une époque où l’événement avait encore une certaine crédibilité, où l’on savait reconnaître le talent véritable de quelques créateurs souvent méconnus. À mon avis, cet âge d’or s’est terminé en 1990. Pour Frédéric Mitterrand, le Festival de Cannes demeure « ce Versailles de paillettes en toc éphémère qui fait rêver le monde entier ». Son livre – sans illustrations – propose une série de réflexions sur le cinéma d’autrefois, qui l’a imprégné plus fortement que toutes ses lectures, pourtant nombreuses.
Tout comme la dizaine d’ouvrages portant ce même titre, Le Festival de Cannes est d’abord un livre de cinéphile pour cinéphiles : les anecdotes et les références au monde du film abondent, sans toujours être explicitées. Ainsi, lorsque Frédéric Mitterrand évoque le nez de Rosy de Palma, il aurait sans doute fallu ajouter qu’il s’agit de l’actrice fétiche de Pedro Almodóvar dans Femmes au bord de la crise de nerfs. Ailleurs, l’auteur mentionne « la crise de contentement furieux de Maurice Pialat pour qu’on l’aime et qu’on le déteste encore plus » ; mais on devrait ici encore tout contextualiser en ajoutant cette fameuse déclaration de Pialat, datant de 1987, au moment de recevoir sa Palme d’or (pour Sous le soleil de Satan), sous un mélange d’acclamations et de huées : « Si vous ne m’aimez pas, sachez que je ne vous aime pas non plus ».
En dépit de ses imprécisions, ce livre est néanmoins précieux pour comprendre ce qui faisait l’originalité et la nouveauté de la Nouvelle Vague, lors de la sortie d’À Bout de souffle de Godard en 1960. Aucune mention du montage en faux raccords ni du recours à la caméra à l’épaule ; au contraire, les frères de Frédéric Mitterrand répétaient sans cesse à propos de ce film, et particulièrement autour du couple Michel-Patricia, ce qui avait frappé leur imagination d’adolescents : « [C]’est fou ils parlent tout le temps de coucher ensemble ». Tout au long du livre, l’auteur se permet aussi des digressions qui nous éloignent un moment du cinéma pour évoquer son univers intérieur, sur un ton beaucoup plus intime. Le cinéma n’est-il pas un prétexte idéal à l’onirisme ? Frédéric Mitterrand nous parle en somme d’un temps où le cinéma était magique.