Hermann Hesse avait charmé le lectorat avec Siddhartha, Le loup des steppesou encore Le jeu des perles de verre. Quelques courts textes lumineux demeuraient cependant inédits en français jusqu’à l’édition posthume de L’art de l’oisiveté en 2002 chez Calmann-Lévy. La trentaine de récits épars, écrits par l’auteur entre 1899 et 1959, sont regroupés sous le même titre cinq ans plus tard, cette fois en format de poche.
En opposition à la quête d’excellence et de vitesse de la société, Hesse propose un nouveau rapport à l’existence qu’il nomme l’art de l’oisiveté : contre un discours axé sur la poursuite acharnée du progrès et de la réussite, il érige par bribes une défense de l’inaction. On reconnaît ici le récipiendaire du prix Nobel de 1946 avec la grande justesse de son écriture et ses propos inquiets sur l’avènement de la société industrielle. À la recherche d’une utopie du beau, il lance quelques instantanés de réflexion sur la musique, la peinture, la littérature, les voyages et les rencontres, qui ne peuvent laisser le lecteur insensible. Les bons écrits résistent au passage du temps, et ceux de ce recueil – certains furent rédigés il y a plus d’un siècle – conservent une actualité mordante et repensent notre relation à la réalité.
C’est le livre d’une vie, celle d’Hermann Hesse, nostalgique et visionnaire. C’est un hymne à la beauté, une apologie de la richesse intérieure. Ce sont des mots fixés hors du temps, qui font réfléchir et incitent à un farniente salutaire, à savourer les plaisirs modestes de l’existence, à ce grand art de l’oisiveté. Une sorte de biographie, de testament ou de bible-manifeste, qui se déguste comme un digestif.
Hesse avait choisit de plonger dans la vie pour croire en sa splendeur. Ses réflexions réunies dans L’art de l’oisiveté montrent qu’il a ainsi su percevoir, dans la mort même, une renaissance. Par ce beau paradoxe, l’absurdité de l’existence finit par céder à sa puissante magie. Et le lecteur se laisse absorber par son entier mystère.