Alors qu’on célèbre le 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec, si on en profitait pour se replonger dans la grande aventure de Champlain telle qu’il l’a lui-même racontée ?
De 1603 à 1635, ce navigateur, découvreur, cartographe a relaté dans le détail ses douze voyages entre la France et la Nouvelle-France, ses explorations et ses relations avec les « sauvages » dont il décrit les habitations, le mode de vie, les croyances, les rivalités entre tribus. Il évoque aussi la complexité des problèmes, évidemment d’ordre climatique, mais aussi techniques et politiques, rencontrés dans sa tentative d’installation d’une véritable colonie et l’édification d’une ville française, celle dont on célèbre le 400e anniversaire et qu’il ne désigne encore que par l’« habitation ». Le découvreur, gouverneur, gestionnaire porte sur le monde qui l’entoure, avant même Nicolas Perrot, un véritable regard d’ethnologue.
Chose exceptionnelle, en publiant ses récits dès 1613 puis entre 1619 et 1632, il a été le premier découvreur et fondateur à diffuser largement, presque « en direct » la progression de ses découvertes.
Le récit transcrit en français moderne est accessible sous le simple titre de Voyages dans une version abrégée qui met l’accent sur les découvertes d’un monde nouveau et de ses habitants. Il fait ressortir les interrogations qu’entraîne la rencontre de deux civilisations, suscite la réflexion sur les difficultés, les enjeux et les conséquences de l’entreprise coloniale.
Désireux d’installer une présence permanente en Nouvelle-France, Champlain ne cesse d’insister sur la nécessité d’en assurer l’autosuffisance alimentaire et d’inciter les Indiens à défricher pour cultiver la terre. Lui-même montre l’exemple en créant un jardin. Il évoque aussi l’installation des premiers colons, la famille de Louis Hébert.
Et surtout, pour le plaisir des lecteurs, Champlain voyage en canot d’écorce de bouleau vers le lac Saint-Pierre, le lac Champlain puis jusqu’au lac Ontario, en compagnie de « sauvages » dont il apprend la langue, dont il partage la vie, se mêle à leurs guerres, ce qui lui vaut d’être blessé par des flèches. Ce personnage historique est aussi passionnant que le héros d’un roman de James Oliver Curwood. On sourit lorsqu’il décrit la façon dont les Indiens mangent salement : « […] quand ils ont les mains grasses, ils les frottent à leurs cheveux ou bien au poil de leurs chiens». On frémit quand il évoque la cruauté des Indiens envers leurs ennemis capturés. On est proche du roman policier lorsqu’il déjoue la conspiration montée contre lui par les complices des marchands basques qui voient d’un mauvais œil leur échapper le monopole de la traite. Il évoque aussi le peu d’enthousiasme des autorités françaises à soutenir ses projets, ce qui vaut une première prise de Québec par les Anglais dès 1629.
Ceux qui auront lu Voyages de Champlain porteront un tout autre regard, riche d’une dimension historique et humaine, sur l’actualité des célébrations.