Pour ceux et celles qui ne connaîtraient pas Philip Roth, il est l’auteur du délirant Portnoy et son complexe, récit à saveur autobiographique racontant, à la manière d’un Woody Allen, les déboires amoureux et familiaux d’un Juif new-yorkais. Avec Un homme, nous avons droit au versant opposé, sinon descendant, des aventures sexuelles livrées dans nombre de romans antérieurs. Cette descente avait déjà commencé dans La tache, dont le personnage principal, un professeur à la retraite et ancien playboy, vivait avec l’énergie du désespoir une dernière passion ; il finira par ailleurs par mourir dans un accident de voiture en compagnie de sa bien-aimée. Même constat d’une vieillesse difficile à accepter, voire sexuellement handicapante, dans La bête qui meurt, publié juste après. Dans Un homme, un septuagénaire fait le décompte des nombreux échecs qui ont parsemé sa vie, ses trois divorces, ses deux fils qui le détestent. Il ne sait pas encore qu’il va mourir mais s’en doute, et cette mort, contrairement à celle du héros de La tache, n’a rien de bien romantique. L’homme doit subir une intervention délicate à une artère, la septième en sept ans. S’il aime bien se remémorer certaines de ses prouesses sexuelles, ce sont surtout les moments où il a vu la mort de près qui le taraudent sur son lit d’hôpital. Il se rend compte que cette quête continuelle de l’autre, paradoxalement, a créé un vide autour de lui : en ses derniers instants, personne n’est venu à son chevet, alors qu’à trente ans, combien sa première femme l’aimait ! Il n’était pas seul pour affronter la possibilité de la mort.
Malheureusement, il faut attendre la deuxième partie du roman, le personnage se rapprochant de sa fin, pour voir s’épanouir le talent du romancier. Autrement, la chronique de vie d’un vieux nostalgique n’a rien en soi d’original, surtout qu’elle répète plus ou moins ce que les romans antérieurs ont déjà dit. Philip Roth aurait gagné, pour une fois, à laisser passer plus d’un an avant de publier ce livre. L’histoire se lit bien, mais il reste que c’est décevant de la part de l’auteur de Patrimoine. J’aurais souhaité une égale intensité dans ce testament spirituel – la fin, une suite de considérations sur la mort de la part d’un athée, est superbe. Voilà qui est triste, quand on pense qu’on n’écrit qu’un seul testament au cours d’une vie (on peut le retoucher, mais bon…).