Les fantômes existent. Ce sont les objets chers aux morts et aux absents dont la valeur tient surtout aux souvenirs qu’ils évoquent. Le sac d’une ex, morte de soif dans un désert, la bague glissée du doigt d’un pendu, le képi de son défunt père, la main manquante du cadavre de sa fille, autant d’objets de trouble qu’offre Jacques Lazure dans son recueil de nouvelles paru en 2007. Objets de guérison est le second ouvrage du genre et dixième livre de l’auteur, qui a par ailleurs publié des romans jeunesse, dont quelques-uns ont été primés.
En vingt-quatre brèves nouvelles, Lazure explore la mort et la détresse avec fracas. Meurtre, folie, agonie se retrouvent sur les pages du recueil à coups sanglants de drame. Sur une civière de morgue ou affligés de tumeurs, les personnages plongent le lecteur dans un monde étrange et rude. Ce n’est cependant pas la violence qui étonne dans ces nouvelles, mais au contraire la subtilité avec laquelle sont dépeints l’isolement et la précarité de ceux et celles qui les habitent. Si les événements sont grossiers, ils sont écrits à traits fins et justes, et se révèlent d’une triste profondeur. La douleur brute cache souvent une immense solitude. Le narrateur des « Conscrits de faïence », poète condamné par le cancer et témoin de la fin de son cochambreur d’hôpital, déclare belle la fragilité tragique émanant de la catastrophe : « Dorénavant, la maladie figure au lexique de la poésie. Elle revendique les mêmes droits que la mort et l’amour ».
Belle, mais peut-on y survivre ? Les personnages de Lazure se posent la question de nouvelle en nouvelle pendant que le lecteur les recrée peu à peu, puis les comprend. Si le caractère macabre d’Objets de guérison peut déranger au premier abord et donner une impression de brutalité gratuite, le lecteur qui se laisse apprivoiser par l’univers du recueil découvre des récits touchants, sensés, livrés par une écriture maîtrisée.