Les experts proustiens considèrent L’indifférent comme une loupe importante sur l’œuvre du grand romancier. Si différentes rééditions de cet écrit de jeunesse sont aujourd’hui offertes, la nouvelle de Proust avait pourtant sombré dans l’oubli jusqu’en 1978, année où elle fut retrouvée par l’universitaire américain Philip Kolb (1907-1992), dont les recherches sur la correspondance proustienne s’étendent sur plus de 50 ans. Publié en 1896 dans La vie contemporaine, L’indifférent a vraisemblablement été écrit en 1893, alors que Proust n’avait que 22 ans. Quelques thèmes chers à l’auteur y sont présents : les crises d’asthme, les cattleyas, l’Opéra, la cristallisation de l’amour Toutefois, l’intérêt que présente ce texte est bien supérieur à celui que procurerait une cueillette des signes annonciateurs du chef-d’œuvre à venir. Sans doute, À la recherche du temps perdu est contenu en gerbe dans L’indifférent, mais ce Proust avant Proust révèle un visage pour le moins surprenant, surtout en ce qui touche le style, resserré, qui évoque les portraits psychologiques de Jean de La Bruyère. L’intrigue concerne la haute société parisienne : Madeleine de Gouvres s’éprend d’un dénommé Lepré, qui se montre si insensible à ses avances qu’elle finit par déroger aux règles non écrites du flirt mondain et tente par tous les moyens de se l’attacher, avant de découvrir les préférences de Lepré en matière de femmes.
Les lecteurs francophones connaissent peu Portaparole, cette maison italo-française qui donne aussi dans l’édition digitale (elle diffuse l’intégrale de la Recherche en format pdf, soit 4394 pages). L’indifférent est, à ce jour, le seul titre paru dans la collection « Maudit », qui, selon des informations fournies par l’éditeur, « s’adresse aux lecteurs raffinés et passionnés, curieux de connaître les interprétations, toujours nouvelles et mises à jour, de textes cultes ». Proust est à l’honneur chez Portaparole : une biographie lui est consacrée dans la collection « Petite biographie », aux côtés d’études sur la vie de Balzac, de Flaubert, de Hesse et de Chaplin, de même qu’un essai de Mario Lavia, Proust et la politique. Bref, voici un texte culte à redécouvrir chez un éditeur à découvrir.