« Paillard, rabelaisien, parfaitement irrévérencieux » une quatrième de couverture n’a jamais si bien rendu l’essence même d’un roman ! La mère morte s’ouvre sur un enculage et se clôt dans la volupté d’une partie de Monopoly !
Le deuxième roman de Robert Gagnon met en scène des professeurs d’université qui, ma foi, ne sont pas sans rappeler, à bien des égards, les professeurs d’université ! Ses personnages, fictifs jusqu’à nouvel ordre, sont néanmoins si crédibles qu’on pourrait croire que l’auteur profite du couvert de la fiction pour écorcher quelques spécimens bien réels de son entourage (pas toujours commode d’être un collègue de Robert Gagnon !).
Voilà une histoire rocambolesque que seuls les grands, les vrais, les purs intellos savent si bien concocter. Loin du roman érudit, tout aussi loin du roman universitaire à la David Lodge, le dernier-né de Gagnon reste, dans mon palmarès personnel, inclassable. Une intrigue scélérate, une galerie de personnages excessifs, truculents et typés, un peu de tourisme, plusieurs vacheries, un plan calamiteux, deux dignes représentants d’une secte, un grand naïf à l’esprit embrumé par le souvenir trop vif de sa mère, un travesti, une chipie et vlan ! il n’en fallait pas davantage pour caricaturer sur un ton goguenard les grands du cénacle universitaire !
Attention, amateurs de sensations intellectuelles très fortes, vous risquez d’être déçus ! Toutefois, si vous assumez votre petit côté voyeur, courez en librairie pour vous procurer La mère morte, passez au dépanneur pour vous munir d’une grosse bière et installez-vous en terrasse ou sur la plage et dévorez cet audacieux plaidoyer pour l’honnêteté intellectuelle (ça vous surprend, non ?) et les parties de Monopoly !
Un bémol le passage du langage familier québécois, bien cru, au langage soigné n’a malheureusement pas le naturel des dialogues et des récits d’un Michel Tremblay. Tout de même, on pardonne à Robert Gagnon quelques maladresses car l’univers intimiste très vingt et unième siècle qu’il nous dépeint avec force détails dès les premières pages nous déride, cela va sans dire !