Un pays tropical, près de l’océan. Joie et lumière, tolérance et plaisir. Des mariés, des couples heureux, lui et elle ou lui et lui ou alors elle et elle. Soudain, cette légèreté apparente bascule dans de douloureuses ténèbres. Marie-Claire Blais campe l’œuvre théâtrale Noces à midi au-dessus de l’abîme – et les textes qui suivent : Désir et Petites éternités perdues – dans un univers semblable au sien, ce Key West où elle a choisi de vivre.
Cette pièce a été créée en 2005 à l’Eskabel de Trois-Rivières dans une mise en scène de Jacques Crête.
La fête éclate en morceaux au fur et à mesure que surgissent sournoisement les démons de chacun, perte d’un frère, d’un enfant, jalousie, maladie, intransigeance et fanatisme, rupture familiale. « La maison paternelle dont la porte vous est fermée, c’est aussi un peu comme votre pays qui préfèrerait vous ignorer », dit Loup, fils de pasteur, homosexuel chassé à jamais de chez lui.
Marie-Claire Blais amène les spectateurs de l’insouciance à la souffrance. Elle souligne la fragilité du couple dont la précarité se situe souvent hors de lui. Comment survivre à l’horreur, seul ou à deux ? « Nous ne sommes pas rescapés, nous avons péri avec lui dans les flammes. » Mais jamais l’auteure ne baisse les bras ; quand elle nous quitte, elle laisse une porte ouverte. « L’amour peut-être, si tu le veux »
Il est vrai que depuis 1959, depuis La belle bête, Marie-Claire Blais nous tire régulièrement de notre somnolence. Ses œuvres sont puissantes, souvent violentes, noires même, mais la compassion s’y cache toujours car, comme le constate la journaliste Armelle Datin, l’écrivaine « absorbe la souffrance des autres ».
Triangle et trio animent les deux autres textes. Désir, drame de la jalousie de la « première » épouse devant l’amour naissant que son mari connaît avec « l’autre ». Quant à Petites éternités perdues, un dialogue de sourds entre trois générations, fille, mère et grand-mère, où chacune voit sa propre réalité confrontée à celles d’autrui.