À la fois chronique et roman historique, Il était une fois en Arménie d’Antonia Arslan raconte sans gants blancs le génocide arménien de 1915. Dans la Turquie d’alors, le parti des Jeunes-Turcs exalte le panturquisme et élimine du territoire les minorités considérées comme encombrantes. « Dieu s’est voilé la face devant les Arméniens. » Tragédie vieille comme le monde et de tous les temps, hélas.
Metz Yeghern. Le grand mal. Pour dire en ses mots le malheur de ses ancêtres, la professeure de littérature renoue avec ses souvenirs d’enfance et les récits de sa famille vivant à Padoue depuis trois générations. Elle raconte la mort ignominieuse mais rapide des hommes et la lente extermination par la faim et la soif des vieillards, femmes et enfants déportés dans le désert. « Comment se produit un massacre ? Comment devient-on assoiffé de sang ? » Un million et demi de ces fantômes hantent toujours les chemins d’Anatolie.
« Oncle Sempad n’est, pour nous, qu’une légende, mais une légende sur laquelle nous avons tous pleuré. » Si grand-papa Yervant, médecin, a eu la belle idée d’aller étudier à Venise, son frère Sempad est resté au pays. Mal lui en prit. Dans la première partie du livre, Arslan parle de cette riche famille arménienne, élégante et généreuse, dont la triste fin semble écrite depuis longtemps. La rencontre prévue entre les frères n’aura jamais lieu, les portes de la Turquie se sont refermées dès le début de la guerre. En 1914, venue de Sarajevo, « l’angoisse balkanique a de nouveau frappé ».
La deuxième partie explore le long calvaire des déportés auquel peu survivront. « On déshabille le prêtre et on lui arrache les yeux. Puis il se balance nu à la branche la plus basse du grand platane. »
Arslan a reçu le prix littéraire 2005 du Pen Club Italie et Il était une fois en Arménie est traduit en une dizaine de langues, souvent sous son joli titre d’origine, Le mas des alouettes. De la saga est extrait le scénario de film que les célèbres frères Taviani ont porté à l’écran en 2007.
Ni le livre d’Antonia Arslan ni le film des Taviani ne sont distribués en Turquie où le drame arménien n’est toujours pas reconnu et encore moins exorcisé.