Même si ce recueil est le premier livre de Young-Moon Jung offert en français, il ne s’agit pas de l’œuvre d’un débutant. Natif du comté sud-coréen de Hamyang en 1965, Jung a publié sept ouvrages de fiction depuis 1997 et remporté le prix Dong-Seo Mounhak avec la version originale de Pour ne pas rater ma dernière seconde en 1999. Malgré ce que le titre comporte de longuet, les nouvelles réunies dans ce recueil constituent autant de « micro-récits » ; la plus longue ne fait pas vingt pages et la plus courte s’étend sur seulement quelques lignes. Ce sont pour la plupart des « histoires ultranoires », des « contes de fées à l’envers », comme le relève judicieusement Jean Bellemin-Noël dans l’avant-propos. Allègrement macabres, ironiques et invraisemblables, ces narrations ont toutes quelque chose à voir avec le rêve, l’angoisse, le crime et le fantasme. On peut détecter, bien avant la nouvelle « Un dialogue avec Kafka » en milieu de recueil, l’influence de l’auteur de La métamorphose et du Procès. Ainsi, dans « Mon exécution », les chefs d’accusation pesant sur le narrateur sont des plus saugrenus : outre sa prétendue stupidité, on lui reproche des crimes commis en imagination. Dans « Euthanasie », le narrateur est atteint d’un mal incurable, et son médecin tente en vain de le faire dévorer par une lionne. Stoïque, le narrateur constate ensuite, quand son docteur essaie de l’égorger, que ces méthodes sont fort mauvaises. Cet humour noirissime, on s’en doute, n’est pas exempt de cruauté, comme dans « Des gamins dévergondés », alors que des écoliers « s’offrent » leur maîtresse avant de s’entretuer, ou comme dans « Cauchemar », où des malfaiteurs obligent un jeune homme à abattre son père et à abuser de sa mère. Dans « Effroyables pensées », les géniteurs prennent leur revanche, car le narrateur est témoin de son propre enterrement après que ses parents l’eurent étranglé. L’art de Jung consiste à rendre cette inspiration monstrueuse des plus divertissantes. Quoique d’inégale valeur, les nouvelles réunies dans Pour ne pas rater ma dernière seconde explorent de manière novatrice l’univers des peurs infantiles, du subconscient et de la mort à la première personne. Freud s’en serait régalé.
POUR NE PAS RATER MA DERNIÈRE SECONDE
- XYZ,
- 2007,
- Montréal
193 pages
24 $
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