Il y a beaucoup de drogues et de meurtres dans cette ville où les rues « avec leurs pavés sales et défoncés, pleines de trous et d’abcès, [crachent] des odeurs acides par les grilles d’égout comme si on faisait cuire là-dedans les douzaines de chiens que les voitures écrasaient tous les jours », et si peu d’espoir. Si peu, d’ailleurs, qu’on se voit incapable de lire plus que quelques dizaines de pages de L’autre visage de Rock Hudson par jour. Et pourtant, Guillermo Fadanelli écrit sobrement, n’insiste pas sur des détails particulièrement choquants, s’efface complètement devant l’histoire qui, par son rythme, par les suggestions et les non-dits qui l’habitent, fait penser à certains films, tournés en noir et blanc, où les silences et les mouvements comptent plus que la parole, où une courte phrase dite à mi-voix résonne comme un coup de feu. Même le décor – quelques rues mal éclairées, quelques bars poussiéreux, quelques motels malfamés – semble tout droit sortir d’un western.
Deux narrateurs – le plus jeune n’est pas vraiment sorti de l’enfance, tandis que l’autre a déjà les mains tachées de sang – voient leur vie se croiser. Alors que le premier s’amuse à jouer au « Mortal Kombat », l’autre (le Johnny Ramírez) a l’habitude de poser un couteau à côté de sa tasse de café « pour ne jamais oublier qu’il [a] des ennemis et qu’il ne [peut] vivre tranquille, parce que son enfance [est] révolue et qu’il lui [revient] à présent de souffrir et de faire souffrir les autres ». Un concours de circonstances, le sort, l’influence de cette ville étouffante lieront leurs destins. Ainsi, les nouvelles générations hériteront du mode de vie de celles qui les ont précédées et la boucle sera bouclée… Car, il n’y a pas de sortie. Si ceux qui ont emprunté ce chemin avant eux se sont fait piéger… tant pis, les représentants des générations montantes continueront à mener la même vie marginale : elle est la seule qu’ils connaissent, la seule dont ils comprennent les règles.
Bien que très court, le roman de Guillermo Fadanelli (lauréat du Premio nacional de Literatura) est très riche, très cinématographique et – justement à cause de cette brutalité, de l’absence d’espoir – très bouleversant