À nouveau, l’auteur de la tétralogie Blisse se fait le chantre de son coin de pays. Il nous entraîne à Maniwaki, en compagnie de la géophysicienne Anna Estula, l’héroïne. D’abord peu disposée à quitter Ottawa pour participer à un congrès dans ce « bled perdu de la Haute-Gatineau», la jeune femme y sera attirée après avoir reçu une lettre anonyme et une améthyste. La jeune scientifique, peu encline au mystère, se laisse néanmoins captiver par une histoire susceptible de lui fournir la résolution de l’énigme que lui posait la lettre. Or l’histoire lui est présentée comme réelle : celle de personnages ayant vécu un siècle plus tôt sur les terres des Hautes-Rivières. Anna Estula, qui a la réputation d’être dure et froide, s’identifie à l’héroïne de cette histoire, Loule, qui découvre la passion et les tourments de l’amour. Cette Loule que l’on retrouvera sans doute au centre des autres tomes de La trilogie de Lo.
La vraisemblance du procédé d’enchâssement du récit peut laisser songeur. En effet, l’histoire supposément réelle des ancêtres, avec les personnages réels dans les lieux qu’ils ont fréquentés, parvient à Anna sous la forme d’un film qui lui est envoyé, comme par magie, sur l’écran de son ordinateur : « C’était comme si toutes les forces combinées du Cinérama, de l’holographie, d’Imax et du virtuel agissaient spectaculairement en symbiose ». Il ne faudra pas plus que quelques heures à cette femme endurcie pour devenir fleur bleue. Qu’à cela ne tienne ! Stéphane-Albert Boulais joue au prestidigitateur. Son plaisir de conter est palpable : clins d’œil au lecteur, cascades de mots inusités ou pittoresques dont les sonorités éclatent, palabre pour dire son amour du pays et de ses colons. Son joyeux bagout réserve des espaces pour exprimer avec lyrisme les émotions des amoureux adolescents. Et, pourquoi pas aussi, apanage du conte, pour faire intervenir un sablier magique, espèce de machine à voyager dans le temps ?
Chez Boulais, la plume du poète le dispute à celle du conteur. C’est la fête des mots et des images, au service d’un imaginaire débridé. De sorte que l’on réagit volontiers par un rire aux entourloupettes du conteur.