En même temps que paraît chez Héliotrope le remarqué Motel univers, Olga Duhamel-Noyer offre avec Highwater un texte inclassable. En seulement quelques pages, l’auteure nous fait comprendre que la clarté n’est pas son fort. L’écriture maîtrisée et le déchaînement des images, notamment lubriques, comptent assurément parmi les grandes qualités du livre, mais le récit de « quelques moments passés avec Venise » a plutôt pour effet de plonger le lecteur dans un climat d’hébétude savamment entretenu jusqu’à la fin du livre. Auteure d’une thèse de doctorat sur l’expérimentation des drogues dans la littérature française du XIXe siècle, Olga Duhamel-Noyer décrit dans Highwater une distorsion des perspectives, répartie en courts chapitres qui sont autant de tableaux. Leurs titres pourraient provenir de la collection d’un musée postindustriel imaginaire : « Chevalement 01 », « Poulies », « Travers banc 01 », « Albraque », « Stots de sécurité » Outre la métaphore de la mine, que l’auteure file ici de manière novatrice, l’inspiration a pu lui venir en partie de Théophile Gautier, Arthur Rimbaud, Antonin Artaud et autres aventuriers du « dérèglement raisonné de tous les sens », mais sa désinvolture de ton est bien celle de notre ère « high-tech ». Dans ce récit halluciné, où l’onirisme le dispute continuellement à la lascivité, Venise n’est pas la vieille cité lagunaire, chantée par tant d’écrivains, mais une compagne de promenades et d’ivresse, rencontrée jadis par la narratrice. Paradoxalement charnels et désincarnés, les personnages sont avant tout des apparitions. La ville de Highwater, plutôt qu’un décor au sens strict, représente un « crassier », rempli de canalisations, de galeries et de passerelles ; c’est un lieu propice à l’enchevêtrement, à l’enfoncement et à l’égarement. S’adressant à un lectorat plus restreint que Motel univers, Olga Duhamel-Noyer signe avec Highwater une œuvre au contenu non pas vulgaire (l’écriture éthérée l’en préserve) mais déconcertant, notamment par la fascination qui s’y exprime pour les motifs de l’urine, de la défécation et du déchet. À l’exception de cette inclination d’un goût douteux, il émane de ce texte un hymne à l’adolescence, au départ, à la beauté féline des femmes et au plaisir physique, surtout saphique.
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