Après Cadeau d’adieu, accueilli chaleureusement dans son pays d’origine, Vladimir Tasić revient avec Pluie et papier qui confirme la « manière » Tasić : la Serbie, sa guerre et son après-guerre en toile de fond, des personnages plutôt jeunes et assez fantasques, le romanesque qui se mêle à des digressions d’une érudition impressionnante où se côtoient l’Histoire, la musique punk, les mythes, les sciences et la philosophie.
Dans Pluie et papier trois jeunes exilés reviennent en Serbie et forment, avec un couple resté au pays, un groupe d’amis unis par une certaine vision utopiste du monde. Que peut-on inventer quand on s’aime dans une ville nommée Novi Sad alors que le soleil semble tout liquéfier au cours d’un été torride d’après-guerre ? Tel est, apparemment, le sujet de ce deuxième roman de Vladimir Tasić. Mais, en réalité, le véritable sujet ne tient-il pas plutôt dans ces digressions étonnantes, baroques, échevelées qui se déploient sur des pages et des pages bien tassées de chapitre en chapitre ? – à noter d’ailleurs que les numéros de chapitre évoluent par ordre décroissant.
Lui-même né à Novi Sad, Tasić ressemble à ses personnages. Autrefois musicien punk, il bifurque vers les mathématiques. Il quitte sa ville natale avant la guerre pour étudier en Angleterre, puis au Canada où il s’installe. Professeur de mathématiques à l’Université de Moncton, il publie de nombreux essais scientifiques dans des revues spécialisées. Il s’est lancé dans la fiction, comme il le confiait à un journaliste français, parce que ça lui plaît, qu’il veut impressionner son épouse, qu’il espère écrire quelque chose dont il sera encore content dans dix ans et qu’il veut déstabiliser le lecteur. S’il avoue ne pas avoir encore réussi avec Cadeau d’adieu et Pluie et papier à écrire quelque chose qui le satisfasse pleinement, en revanche ses exigences envers le lecteur sont, elles, tout à fait atteintes. Ceux qui apprécient ce style assez fréquent chez les auteurs des pays d’Europe de l’Est, où les digressions de tout ordre et les considérations philosophiques s’emmêlent avec le romanesque, seront comblés. Les autres risquent de se lasser.