Avec son style si particulier et combien efficace de grand reporter, l’essayiste français Guy Sorman vient jeter un pavé dans la mare des admirateurs du régime chinois. Chez nombre de gens d’affaires et de voyageurs, en effet, le passage de la Chine à une économie de marché depuis deux décennies, et le développement spectaculaire qui s’en est suivi, font naître l’admiration ; cet enthousiasme toutefois fait oublier une réalité tout aussi cruciale, mais moins éclatante : la dictature qu’exerce le Parti communiste sur ce pays et son 1,3 milliard d’habitants.
C’est un exposé dur et sans détour que livre le célèbre polémiste français. Explorant longuement ce vaste pays, rencontrant ses gens mais aussi ses dirigeants, Sorman livre un constat brutal : « La Chine réelle, celle qu’habitent les Chinois, est aux mains d’un parti totalitaire, de ses bureaux de la Sécurité, de son département de la Propagande ».
Relatant l’oppression de ses nombreux dissidents, dont l’auteur déplore qu’ils ne soient pas davantage soutenus par l’Occident, Sorman va jusqu’à qualifier le régime d’« authentiquement fasciste ». Car vu sous l’angle des valeurs occidentales, voire universelles (régime de droit, liberté de parole et d’association, droits de l’homme, individualisme favorisant la créativité), le régime en place depuis 1949, s’il tolère les opposants isolés, interdit toute forme d’organisation de toute opposition. Même les initiatives locales de développement sont souvent brimées, si elles ne se placent entièrement sous le contrôle du Parti, qui vit de corruption et de discriminations. D’où l’animosité générale du peuple envers cette organisation.
C’est le cas des 800 millions de paysans, qui fournissent la main-d’œuvre bon marché aux « entrepreneurchiks » pistonnés, dont le seul mérite est l’efficacité de leur production à défaut d’un manque total d’innovation : « Une certaine Chine s’enrichit, mais la plus grande part ne se développe pas ».
Ce faux développement, allié à l’absence de démocratie, pousse ce pays vers une « quête de puissance », faisant de la Chine un danger potentiel. Et pourtant, nous, Occidentaux, condamne l’auteur, restons fascinés par ce régime non réformable. Pour Sorman, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une défaite de la pensée, une abdication et une lâcheté.