Wajdi Mouawad dit dans sa présentation de Forêts que sa démarche théâtrale s’inscrit dans la « douleur du siècle » – notre époque de ténèbres… Quelque chose qui ne porterait point de nom planerait dans et au-dessus de notre Histoire : une violence peut-être porteuse d’une promesse pour le genre humain. La littérature, de fait, la tiendrait-elle et cela, contre le vide qui, parfois, nous terrifie ?
Cette curieuse œuvre met en relation – parfois de manière un peu trop baroque… – les contradictions propres aux parcours de vie des principaux personnages qui, ici, foisonnent, avec celles des événements tragiques qui ont marqué le très violent siècle passé : de la Première Guerre mondiale, en passant par le nazisme, la guerre du Vietnam, les secousses de Mai 68 et la crise d’Octobre en 1970 !
On serait en droit de se demander quel est le sens de tout cela : des personnages tous plus curieux les uns que les autres nous disent, en substance, que les lourdeurs de l’Histoire semblent l’emporter sur cette promesse qui ne sera probablement jamais tenue… Ne reste que cette multitude de personnages – et de réflexions très pertinentes sur notre condition – se débattant dans leurs histoires et une Histoire qui n’appartient à personne comme si nul n’était maître de sa vie… comme le déclare Baptiste, répondant à Loup : « Mais tu ne sais pas tout ! Tu ne sais pas ce qui a décidé de ta vie et ce qui a décidé de sa mort ! Tu ne sais pas ce qui a déclenché tout ça ! Tu ne connais rien de la fraction de seconde de ton existence ». Il continue : « […] le monde, notre monde a changé. C’est un mouvement trop fort, contre lequel il est impossible de se battre, impossible de résister, jamais ! Ça emporte tout sur son passage, ça déchire tout, éventre tout ! » Alors, à quoi bon continuer… On lève ou on abaisse le rideau ?…