Il y a un malaise. Trop parler – ou trop écrire – est-il pire péché que trop se taire ? Auteur d’une trentaine de romans et d’autant d’essais, le prolifique Philippe Sollers vit avec sérénité la polémique amour-haine dont son œuvre est l’objet. Son dernier livre n’échappe pas à la règle.
Dans Une vie divine, le très puissant directeur de la revue littéraire l’Infini et de la collection du même nom (Gallimard) promène gaillardement et avec passion ses 70 ans au cœur d’un roman-essai-biographie du philosophe allemand Friedrich Nietzsche. D’une écriture par ailleurs savante et intimiste. « Là, nous sommes en décembre 1882, à Rapallo, au pied du Monte Allegro. Il est en train d’écrire son Zarathoustra, il prend du chloral pour dormir, il souffre du froid. »
L’auteur Sollers se colle au narrateur d’Une vie divine, un écrivain-philosophe, double de Nietzsche et alter ego de M.N. (monsieur Nietzsche), l’un incarnant le prolongement de l’autre sur terre. Qui est qui ? Qui dit quoi ? Une chose paraît claire : tous ces duplicata recherchent le bonheur. « Eh oui, pars vers le Sud, imbécile. Laisse le Nord et ses brouillards morts […]. Cherche un endroit très simple, dans un quartier aussi silencieux que possible. »
Dans la confusion de ces quelque 500 pages, le lecteur croise – outre les femmes du narrateur, Ludi et Nelly – à peu près tout le monde : Lou Salomé et Freud, la sœur de Nietzsche et Hitler, Sade ou encore le bien actuel Benoît XVI. Il voyage bien évidemment dans les villes-clés de la vie de Nietzsche, Nice, Turin, Rome ou Weimar. Et ailleurs. « L’esprit, l’esprit, vous nous emmerdez avec votre esprit. Napoléon à cheval à Iéna, en 1806, oui, bon, et alors ? Je sens dans votre appel à l’esprit je ne sais quel relent élitiste et réactionnaire. »
Ce monologue ironique aux multiples calembours – « garder son Kant à soi » ou « Dieu et Dieu font quatre » – est long, bien long.