Pour arriver au cœur du sujet, c’est-à-dire à un simulacre de réponse à la question posée dans le sous-titre : Les ONG peuvent-elles changer le monde ?, il faut ingurgiter les trois quarts du livre. Les lectrices et lecteurs minimalement informés sur le sujet devront commencer leur lecture à la page 125. Mais même à ce stade de la réflexion, on ne peut raisonnablement parler de démonstration ; il s’agirait plutôt d’un alignement normatif d’« il faut ». Il en faudrait beaucoup effectivement pour changer le monde, mais s’est-on jamais demandé si le monde voulait être changé ? Il ne peut y avoir d’argumentation dans ces quelques pages, car la réponse, nichée dans le titre, se trouve défendue par des laïus archi-ressassés : construire un monde de solidarité, agir localement et penser globalement.
Alors, à quoi bon lire un discours biaisé ? La conséquence est directe : ce livre n’offre aucune piste majeure et innovante. Le cœur de ce qu’il convient d’appeler le chapitre-phare est une réplique de travaux de six étudiantes, que l’auteur mentionne sans bien entendu les en remercier. Pire, l’auteur présente un parti pris en faveur des organisations non gouvernementales (ONG) sans même s’interroger sur leur démocratie interne et encore moins envisager le fait que ces organisations sont nées, appartiennent et se développent dans un système finalement globalisant. Les ONG participent de l’environnement qu’elles souhaitent combattre. Ces organisations, et l’auteur en distingue trois espèces majeures, ne charrient-elles pas, aussi, une certaine vision du développement ? Ne représentent-elles pas le visage solidaire, humain, fraternel de la mondialisation ? Peuvent-elles être considérées comme une partie du problème qu’elles cherchent, avec les meilleures intentions du monde, à guérir ? Jamais l’auteur n’aborde ces questions trop importantes.
Non, le monde des ONG n’est pas un joyeux rassemblement d’humanistes portant l’étendard des idées nobles (il va sans dire) et visqueuses de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Invention occidentale et blanche s’il en est que personne ne semble vouloir remettre en question, surtout pas les ONG pour qui c’est le fonds de commerce.