Parmi les récits des voyageuses et des voyageurs québécois, rares sont ceux qui portent sur l’Iran, un pays considéré par l’Occident comme une menace et au sujet duquel les médias entretiennent de « pathétiques clichés ». Marie-Eve Martel, une jeune journaliste de vingt-trois ans qui aime voyager seule, se propose pour sa part d’aller voir ce qu’il en est vraiment, « afin, dit-elle, de ne plus avoir à me fier à ces clichés qui distordent mes pensées ». Elle constate alors que la réalité est parfois loin de correspondre aux idées reçues. Certes, l’autorité du régime islamique est omniprésente, « la vie privée des gens reste sous surveillance constante » et la ségrégation entre les hommes et les femmes persiste dans la plupart des endroits publics. Mais la voyageuse relève de nombreux changements importants, notamment en ce qui concerne « l’avancement social et politique des Iraniennes ». De plus, loin d’être fanatiques et hostiles, les Iraniens lui apparaissent comme des gens accueillants et ouverts à la culture occidentale. Ainsi, bien qu’il serait facile de croire qu’ils rejettent les produits importés d’Occident qui risquent de corrompre leurs mSurs, la jeune journaliste ne manque pas d’être étonnée « en apercevant tous ces téléphones portables Nokia, ces bouteilles de Ketchup Heinz et de Coca-Cola, ces chandails Ralph Lauren, ces lunettes de soleil Uvex, ces jeans Levi’s, ces chaussures Nike et Reebok, ces pots de Nutella, ces boîtes de Corn Flakes et de croustilles Pringles » Bref, contre toute attente, Marie-Eve Martel découvre à quel point « les Iraniens nous ressemblent », à quel point « ils rêvent de liberté et d’ouverture sur le monde ». L’amabilité et l’accueil chaleureux des Iraniens et des Iraniennes qu’elle a croisés sur sa route lui « ont prouvé que leur pays et son peuple méritent le respect, non la méfiance, des Occidentaux ».
Bien écrit dans l’ensemble, le récit de voyage de Marie-Eve Martel n’est pas dénué d’originalité, notamment en raison de la destination choisie par une jeune occidentale voyageant seule. De plus, on y retrouve diverses informations intéressantes, par exemple sur les mSurs de la jeunesse iranienne, sur la politique de la République islamique, sur la tenue vestimentaire (le rusari et le tchador) des femmes, etc. Quelques situations (perte de passeport au bureau des visas, rencontre avec la police iranienne, etc.) sont même rendues tantôt de manière intrigante, tantôt avec humour. L’intérêt de ce récit de voyage tient cependant au fait qu’il nous invite à porter un regard de l’intérieur, et partant plus nuancé et sans doute plus juste, sur un pays que l’actualité tend trop souvent à stigmatiser, voire à « démoniser ».