Cette deuxième édition augmentée de Comprendre la complexitéconfirme l’intérêt grandissant pour les travaux sur la pensée complexe. De 1977 à 2005, le sociologue Edgar Morin a produit une somme, en six tomes, sur l’épistémologie : La méthode.
Cette « méthode » cherche à appréhender les savoirs en évitant la surspécialisation, en privilégiant l’interdisciplinarité, voire la transdisciplinarité (c’est-à-dire le refus de circonscrire une question dans le cadre d’une seule discipline).
Notre monde n’est pas « compliqué » : il est plutôt complexe, mais pas pour autant incompréhensible. Pour mieux saisir la nature, la vie, l’homme, la culture, la science, Edgar Morin veut « relier les disciplines ». Emprunter « la méthode » permet d’étudier sous plusieurs angles les problèmes globaux auxquels nous faisons face, au-delà de la séparation artificielle entre les sciences pures, les sciences humaines et la philosophie. Ainsi, les avancées de la recherche scientifique (comme le clonage, les organismes génétiquement modifiés) ont des conséquences sur la santé et exigent une réflexion éthique ; résoudre la pollution demande aussi des décisions politiques ; tout comme répondre au racisme nécessite une sensibilisation à la culture de l’autre.
Le professeur de philosophie Robin Fortin détaille fidèlement les recherches sur la pensée complexe, à la suite d’Edgar Morin, en insistant sur l’organisation des savoirs, la dualité des choses, les contradictions inhérentes à l’homme. D’autres auteurs avaient prolongé cette réflexion sur la complexité : Jean-Louis Le Moigne a lui aussi publié trois tomes sur Le constructivisme, tout comme Cornelius Castoriadis.
J’aurais toutefois deux réserves à formuler à propos de Comprendre la complexité. Il faut d’abord préciser que cet ouvrage s’adresse principalement à un lectorat de niveau universitaire, et provenant de tous les horizons disciplinaires. De plus, j’estime que, malgré ses qualités, ce livre de Robin Fortin ne prétend pas se substituer aux ouvrages d’Edgar Morin (qui signe ici deux brèves préfaces) et ne permet aucunement l’économie de la lecture préalable d’au moins un tome de La méthode (mais pas forcément le premier ; le cinquième conviendrait mieux).