Rainer Werner Fassbinder est né à Munich, le 31 mai 1945, et décédé dans sa ville natale, le 10 juin 1982.
Dans l’intervalle de ces trente-sept années d’existence, la production d’une quarantaine de films a fait de lui le plus extraordinaire metteur en scène de l’Allemagne post-hitlérienne. Sa thématique : la comédie humaine.
L’homme étant présenté, passons à l’ouvrage qui en traite.
Attaques sur le chemin, le soir, dans la neige, c’est d’abord un titre singulier. Puis, c’est une couverture magnifiquement illustrée par Élise Cropsal, qui annonce une œuvre à caractère artistique et poétique.
C’est également, en épigraphe, une citation qui frappe : « Vous ne savez pas ce que peut un corps », Spinoza.
Et finalement, c’est une lecture prenante, qui nous introduit dans l’univers de Fassbinder. Sa vie, c’est un parcours de travailleur acharné, une course à l’accomplissement, l’urgence de capter tout ce que le silence ou l’impassibilité peut révéler pour faire ensuite le tri nécessaire et ne rendre avec la caméra que l’absolu, la vérité d’un geste, d’un climat, d’un visage.
L’auteur passe de l’existence de Fassbinder aux événements politiques qui la sous-tendent. On a droit à des extraits de documentaires, des séquences de tournage, des réflexions sur la création, des considérations sur le médium cinématographique et le rôle qu’il joue dans l’immédiat du metteur en scène.
Fassbinder est à la fois témoin et acteur dans la comédie humaine. Il a la responsabilité de tout saisir de son époque, et de le faire vite, car le corps, exagérément sollicité, malmené par la tâche, ne pourra supporter longtemps les mauvais traitements que lui inflige son propriétaire.
Le portrait de Fassbinder que nous livre Alban Lefranc est bouleversant. Le metteur en scène, livré corps et âme à son art, devient un instrument dont la déchéance physique devient incontrôlable et atteint l’insupportable. Sa courte vie durant, l’homme aura consacré ses forces et ses énergies à atteindre le point d’épuisement ultime, de fatigue idéale, celui où on est tellement seul que rien ni personne ne nous échappe.
Mais c’est également celui où la vie elle-même nous abandonne. C’est cette vision paradoxale que nous donne l’œuvre d’Alban Lefranc. Fassbinder s’est ruiné à la tâche, délibérément, dans le but de l’accomplir, intégralement.
Comme l’évoque la première partie de l’œuvre, qui apparaît au départ bien obscure et singulière, la lecture nous permet « d’entrer dans le mort comme dans un moulin ». C’est précisément l’impression qui reste après lecture. Bravo pour cette réussite esthétique, cet hommage sensible qui s’attarde à l’âme d’un créateur.