Une mère soi-disant malade quitte le foyer pour faire, apparemment, un bref séjour dans une clinique loin de la maison. En quête d’autonomie, ses filles s’aventurent, chacune à sa façon, dans le monde des adultes incarné ici par les Piano, un couple d’immigrants français dont les mœurs, on le constate plus avant dans le roman, se font l’écho des abus qui se perpétuent de génération en génération dans la famille.
Autour des deux adolescentes, Nathe et Alexa, gravitent un certain nombre de personnages pris dans les rets d’un inexorable destin. Fugueuses, c’est avant tout l’histoire d’un difficile mais nécessaire consentement. « Je ne comprends pas pourquoi mon cœur se déchire, mais je comprends pourquoi je dois répéter trois fois, se déchire, se déchire, se déchire. Les événements sont commencés. »
C’est en effet lors d’un premier séjour en Abitibi, dans le village de ses grands-parents dont elle fera enfin la connaissance, que Nathe aura l’occasion de connaître ses origines puis de rompre avec la répétition. Entre Blanche, l’arrière-grand-mère en fin de vie, et cette arrière-petite-fille qui s’apprête à quitter le monde de l’enfance, un lien se tisse après des années de silence. À Aiguebelle, Nathe fait un véritable voyage initiatique. Pour qu’advienne du nouveau, l’apprentissage de la vie doit passer outre à certaines répétitions ou, le plus souvent, les déjouer. Aussi, en dénouant les fils emmêlés du passé, Nathe rendra enfin la liberté accessible d’abord à Blanche puis à ceux et celles qui y aspirent. « Ces pensées qui occupaient mon esprit me faisaient gagner du temps, faisaient gagner du terrain à Blanche et à Aanaq contre le camp adverse qui prétendait savoir où et quand et comment la vie de chacun devait commencer et finir. »
À l’instar de la vieille Inuit qui remonte vers le Nord pour clore sa vie, Nathe part à la conquête de la sienne, affranchie des entraves du passé.