Voici enfin le second volume de La parole et l’écrit: Penser la vie juive aujourd’hui. Alors que le premier nous donnait directement accès à l’enseignement de Léon Askénazi en plus de nous fournir les dates importantes de sa vie, une bibliographie scientifique, une liste fort utile des textes et écrits sur l’auteur de même que des index complets, celui-ci, encore préparé par Marcel Goldmann, réunit plutôt une série de textes fondamentaux sur les aspects de la vie juive à notre époque démontrant que son étonnante modernité réside dans son caractère à la fois singulier et universel. Indissociable d’une pensée de la communauté et de la collectivité, cette réflexion suppose un retour rigoureux à l’identité hébraïque dans la mesure où l’image du Juif ghettoïque de l’exil doit être selon lui dépassée pour ouvrir la dimension de l’Hébreu sans retomber dans l’archaïque.
C’est donc un parcours en trois moments : Juif, Israélien puis Hébreu, lequel permet de retrouver la richesse d’une pensée politique mariant trois mondes : séfarade, ashkénaze et diaspora. Sa pensée et son action rejoignent donc celles du Rav André Neher et d’Emmanuel Levinas. Appuyé par son épouse, Mme Esther Askénazi, le Rav Yéhouda Léon Askénazi s’est toute sa vie (1922-1996) consacré à l’élaboration et à la mise en place des cadres du judaïsme francophone séfarade, tant en Algérie, sa patrie d’origine, qu’en France et au Canada.
Le fait qu’il fut un descendant d’une longue lignée de rabbins d’Algérie et qu’il vécut dans la culture juive traditionnelle ayant comme base le Talmud, la halakha et l’enseignement de la kabbale n’est sans doute pas étranger au fait qu’il considéra toujours la Torah, non comme un univers mythique, mais comme un ensemble de récits de la constitution de l’identité du peuple juif. Alors qu’Emmanuel Levinas fonda sa philosophie sur la relation à autrui du sujet humain, Léon Askénazi entend le sens de la vie dans la relation à l’ensemble d’Israël (le klal Israel) et propose une vision de l’histoire comme processus de l’engendrement du fils de l’homme, ce que démontre à merveille la bar-mitsvah, moment d’entrée symbolique et réelle pour l’être humain dans sa lignée transgénérationnelle.