La confession de l’enfant du milieu du siècle amorcée par Michel Tremblay dans Le cahier noir, paru en 2003, se poursuit : cette fois, Céline Poulin, ex-waitress au Sélect et désormais hôtesse au non moins sélect « Boudwar » de Fine Dumas, nous en met plein la vue avec le récit d’une folle journée à La Ronde de l’Expo.
La petite troupe du Boudoir, ce bordel déguisé en bar, est invitée à mettre la besogne de côté pour célébrer l’anniversaire de la patronne. Pour passer le cap de la soixantaine, Fine Dumas propose rien de moins qu’une visite à l’Expo qui n’était, jusqu’à ce jour pour elles toutes, qu’une occasion providentielle de faire une petite fortune en dégarnissant les portefeuilles des touristes en quête de plaisirs particuliers. C’est toute une expédition qui s’amorce dans le minibus de monsieur Jodoin lorsque les « dames » du Boudoir y montent, attifées ce jour-là de déguisements truculents !
Au faîte de sa forme, avec tout le talent qu’on lui connaît, Michel Tremblay dépeint l’univers des travestis avec une verve mordante ! Grotesques, pathétiques, les petits et grands drames des « dames » du Boudoir ne laissent pas indifférent. Quant à Fine Dumas, elle impressionne avec son formidable sens des affaires et sa poigne de fer. « C’était la première fois que je voyais Madame si près de la vraie violence et j’étais sidérée. […] C’était la propriétaire d’un cheptel de guidounes qui parlait business, ce n’était plus la mère inquiète pour son enfant égaré. »
Sous la plume de Céline Poulin, la sûreté des dialogues, la puissance des personnages, la saveur du langage rappellent les meilleurs passages des chroniques du Plateau. C’est avec un plaisir renouvelé que l’on retrouve la galerie de personnages excessifs et imposants de Tremblay.
Vivement un troisième cahier !