Ce récit nous amène littéralement au pays de la mémoire tant individuelle que collective. Abel Beauchemin accompagne son vieux père défaillant, victime de la maladie d’Alzheimer, dans les confins de la grande souvenance qui fait autant appel à la réalité qu’à la fantasmagorie. Il va ainsi l’aider à revoir sa vie, son parcours, afin qu’il finisse dignement ses jours, qu’il ne soit pas bêtement dévoré par la maladie.
De fait, pour le pauvre père d’Abel, les photographies épinglées sur les murs de son appartement deviennent quasiment des créatures vivantes, maléfiques, qui désintègrent ce qui, en lui, n’est pas disloqué. Abel va tenter de comprendre le sens de ces « photos » afin de dissoudre leur aura diabolique. C’est une généalogie de la famille Beauchemin qui nous sera offerte : toutes les caractéristiques plus ou moins tragi-comiques de cette étrange famille sont dévoilées par le regard d’Abel. Ces photographies semblent habitées, hantées par des moments de vie qui ne sont pas toujours édifiants. Elles pourraient même faire peur… ou déranger par leur étrangeté. Et les réflexions du père d’Abel sur le sens de la vie et de la mort ne nous rassurent pas non plus…
Victor-Lévy Beaulieu nous présente un très beau texte vivant et coloré, agrémenté d’anciennes photographies du vieux Trois-Pistoles. La parole y est incarnée sans abstraction inutile comme c’est le cas, d’ailleurs, dans toute son œuvre.