François Signorelli, l’alter ego d’Éric Fottorino, mène une course contre la montre avec la maladie de l’oubli qui lui grignote ses souvenirs un à un. Impitoyable chassé-croisé et bataille perdue d’avance. Le docteur Signorelli chavire dans « un naufrage de la mémoire avec l’engloutissement de ses points de repère ». L’affection découverte au XIXe siècle par le neurologue Sergei Korsakov est une proche cousine du syndrome d’Alzheimer.
Né à Nice de père inconnu, Signorelli cherche son identité sinon son nom avant de sombrer dans le grand noir. Il raconte ses souvenirs évanescents tant que le peut sa mémoire défaillante. Sa quête se décline de Bordeaux aux déserts tunisiens en passant par Palerme où le rejoint la tradition mafieuse, Sicile oblige. Le lecteur travaille d’arrache-pied pour suivre le fil de cette vie et de ce livre à la structure complexe, aux allers-retours à la limite de la cohérence.
Souffrance d’une solitude annoncée qui va jusqu’au deuil de soi-même. « La mémoire, c’est retenir. Moi, je n’ai retenu personne. Ni mon père ni mon fils. Ni ma femme. » Qui du jeune français Ardanuit, de l’adulte italien Signorelli ou du juif marocain égrène ainsi ses pertes ? Dès son enfance passée au chaud dans le giron des femmes glissent dans sa vie sa mère et la mer. L’affection de son grand-père adoptif Fosco Signorelli – miroir de l’aïeul Marcel Fottorino mort en 2004 – adoucit son combat mais sa douleur demeure. « Le cœur se remet de l’amour perdu d’une femme, pas de celui qu’un enfant a repris. »
Signorelli ne saura jamais si sa maladie était bénédiction ou malédiction car « Korsakov lui offrit l’économie d’un dernier chagrin ». Korsakov, septième roman d’Éric Fottorino, a connu à l’automne 2004 la présélection des Goncourt, Femina et Renaudot.