Le charbonneur de murailles exhale des parfums délicieusement surannés. Il fait penser au Recueil d’idées de l’abbé Étienne Blanchard, l’un de ces livres empoussiérés, écornés, remplis de certitudes. Naguère, quiconque cherchait un réconfort trouvait dans ces pages de citations d’écrivains classiques de quoi apaiser les tourments de l’âme. Publiés à peu près à la même époque, de 1929 à 1957, les aphorismes d’Emmanuel Lochac, s’ils ne sont pas très « orthodoxes », ont le même effet sur l’esprit égaré. Il faut d’abord dire que cet homme passa une bonne partie de sa vie dans les sanatoriums où il décéda en 1956, dans un pays, la France, qu’il avait dû adopter à huit ans. L’idée de la mort, pour ne pas dire du néant, ne le quitta jamais. Mais le désespoir a chez lui son versant de lumière. Cette conscience de la fin rend plus émouvant un présent dont l’auteur guette les surgissements insolites. D’où les instants d’illuminations qu’il partage grâce à une écriture à la fois transparente et gaie. C’est même avec humour qu’il parle de l’inévitable perte du moi au moment de la mort, comme si cela ne le concernait déjà plus. Le titre, à cet effet, est la seule étiquette qu’il se donne. Et elle le qualifie parfaitement : Emmanuel Lochac transforme en combustible les extrêmes d’une pensée pétrie par une culture de la peur. Il abat doucement les murs, les brûle, avance au devant de lui-même. « Aux deux bouts de la civilisation seul fleurit l’art du charbonneur de murailles. »
ESPACE PUBLICITAIRE
DERNIERS NUMÉROS
DERNIERS COMMENTAIRES DE LECTURE
Loading...