On connaît l’histoire de Trevor Ferguson, Anglo-Montréalais auteur de romans (Train d’enfer, Onyx John, La ligne de feu) encensés par la critique mais boudés par les lecteurs. Il y a quelques années, à la veille de ranger son stylo pour de bon, il décide de tenter sa chance une dernière fois en publiant un roman policier sous le pseudonyme de John Farrow. La ville de glace deviendra tout de suite un best-seller international, traduit dans plusieurs langues.
Best-seller est un terme qui inspire une certaine méfiance, mais Farrow-Ferguson n’a rien à voir avec les producteurs de soupe en sachet comme John Grisham, Mary Higgins Clark ou Kathy Reichs – une Américaine qui a elle aussi utilisé Montréal comme décor, mais pour de fort médiocres thrillers. La ville de glace est une œuvre prenante, soutenue par des personnages crédibles et une intrigue aux enjeux résolument contemporains. Le travail d’un véritable écrivain, en somme.
Le lac de glace, le deuxième roman de John Farrow, ne soutient hélas pas la comparaison. Les éléments qui faisaient le charme du premier roman sont là, comme l’inspecteur Emile Cinq-Mars, archétype du flic taiseux et individualiste, dont les questionnements vont bien plus loin que l’enquête dont il a la charge : il accompagne ici son père dans les derniers moments de sa vie. Montréal et les environs deviennent, sous un trait acéré, à la fois familiers et exotiques. L’on s’attache au personnage de Lucy Gabriel, inspiré d’Helen Gabriel, l’égérie Mohawk de l’été 1990.
Mais l’intrigue a beau s’ancrer dans un contexte très actuel – en l’occurrence les magouilles de l’industrie pharmaceutique – John Farrow ne réussit pas à nous intéresser à son sujet, dénaturé par une posture morale vite agaçante. Quant aux vilains de service, mythiques dans le premier roman, ils sont ici caricaturaux.
Un roman qui sent la recette mais que l’on pardonnera à John Farrow s’il permet à Trevor Ferguson de continuer son œuvre d’écrivain.