En 1993, vingt ans après l’assassinat de son mari par un adolescent, Twinkle Rudberg fonde le projet LOVE, un organisme de prévention de la violence. Son but est d’aider les « jeunes en difficulté à réorienter leurs vies et à changer leur comportement » en leur proposant des moyens de s’exprimer. L’art de vivre sans violence est un recueil de textes et de photographies réalisé entièrement par les participants à ce projet, âgés de 13 à 18 ans.
Dans l’introduction, on précise que l’ouvrage contient quelques maladresses stylistiques, mais les lieux communs et les répétitions ont très peu d’importance : on se laisse plutôt surprendre par la maturité de ces jeunes, par la tolérance qu’ils expriment et que, avec raison, ils exigent. Il est troublant de voir à quel point le désir d’être protégé, aimé, mais surtout écouté et compris, colore les textes. Les adultes oublient trop souvent la fragilité de la jeunesse : ce recueil réussit, très rapidement, à nous la rappeler.
Les thèmes abordés (ou parfois seulement effleurés) sont fort nombreux : taxage, gangs de rue, manque de compréhension et de solidarité entre les gens, alcoolisme, amitié, manipulation, abus de confiance, solitude, viol, drogue, perte d’un parent ou d’un ami… Les réflexions que partagent avec nous les adolescents sont touchantes. Parlant du masque qu’elle porte, une fille anonyme de 14 ans affirme : « Et à force de me cacher, je disparus complètement ! » Ailleurs, Stéphanie Dubois, 15 ans, raconte les sentiments qu’elle et son ami Haïtien ont éprouvés quand, après avoir été longuement observés, ils ont entendu une femme constater : « Regarde donc ça, ça n’a même pas 15 ans pis ça s’embarque avec ÇA ». Le poème « Je comprends pas » (auteure anonyme, 17 ans) décrit une arrestation et ses conséquences : « Non, je ne voulais pas me déshabiller / Je ne voulais pas me faire tripoter / J’étais soumise en jeans et camisole / Mais ça ne vous a pas dérangés / Pas même une carte d’identité, pas d’objets volés / Mais vous l’avez quand même fait crever mon bébé, quand vous avez sauté sur mon ventre ».
Les textes sont accompagnés de photographies de très bonne qualité qui captent tantôt un moment de désespoir, tantôt une chambre en désordre, tantôt des corps en mouvement. Le projet LOVE est louable, le recueil L’art de vivre sans violence émouvant, désarmant.