Tout comme elle l’avait fait dans Le psychanalyste, Leslie Kaplan découpe son texte en plusieurs portions de quelques pages, chacune livrant l’état d’un personnage à un moment précis de sa journée. Alors que l’on progresse dans la lecture, on a l’impression que les pensées des personnages sont captées au fur et à mesure qu’elles surgissent, s’enchaînant les unes après les autres, comme dans nos têtes, au fil des stimulus. Il y est bien sûr question de Marie, qui est le centre autour duquel gravitent tous les autres personnages : Max, David, Sammy, Dahlia, son frère Rachid, M le Malade, l’Américain Jimmy, Pauline et ses frères Mais on y parle surtout des réalités quotidiennes, bien terre-à-terre, des liens qui se nouent, de ceux qui se dénouent, de ceux que l’on renoue, des jeux de la pensée et du hasard.
Leslie Kaplan est toujours aussi déroutante. Dans cet autre livre que je qualifierais de « roman-réalité », elle semble poursuivre ce qu’elle avait entrepris dans Le psychanalyste : une sorte d’état des lieux, d’état des âmes, d’état des liens. Les courts textes qui constituent la trame de ce « presque-roman » se lisent un peu comme des faits divers dans lesquels on reconnaîtrait tout de même un lien, ténu ; c’est ce qui fait le quotidien qu’on y lit, ce qui fait, en somme, toute vie. Moins réussi que Le psychanalyste, Les amants de Marie en constitue une sorte de prolongement où les pensées, les questions qui surgissent mènent invariablement à d’autres pensées, d’autres questions. « Un peu plus loin, un panneau vert criard était barré de rouge : à qui on parle, à quoi on pense. Une femme s’en allait, l’air innocent, un gros feutre à la main, un petit bonnet enfoncé sur les yeux. » Et voici qu’à son tour le lecteur peut s’interroger : bref, à quoi tout cela mène-t-il ?