À lire ce recueil, on se met à penser à la pauvreté, moins de celui qui l’écrit, qu’à celle que traduit une certaine manière d’entrevoir la vie, accrochée à l’illusion d’une bonté humaine que tout un chacun pourrait découvrir une fois éliminée les couches de cynisme. Oui, les humains sont cheap, aussi accrochés à leur survie que les animaux. Parcourant Patrick Brisebois, je ne suis d’ailleurs pas certain que la parole soit ce qui distingue les uns et les autres.
Cela dit, on fume, on boit et on baise dans ces pages. On vole aussi des légumes au jardin public. Bien. On se sent parfois heureux, souvent seul. Pourquoi pas ? Les femmes? Pas jojo. Et puis il y a tant de haine.
Mais il y a beaucoup de jeunesse, de farfelu, de comique, de jeu, de violence simple, terre-à-terre. De la vie collée aux choses, aux gestes, avec une sorte d’hyperréalisme intérieur à mi-chemin entre le vers et la prose. Voici une écriture portée par une vigueur narrative qui donne parole au quotidien d’où surgit l’événement ordinaire, l’expérience. Il arrive bien sûr qu’une nausée se glisse hors du trou.
Il y a quelque chose de la p’tite vie sordide et monotone dans ces poèmes, de ce désabusement et de cette platitude qui sont le lot de la grande majorité. Il y a aussi un certain humour noir et ce qu’on pourrait appeler, en riant un peu, en coin, une « poétique » ne relevant pas de l’éthique : « [J]’avoue que j’aimerais devenir un bon styliste mais je ne déjeune plus ». Voilà ce qui arrive à ceux qui se couchent de bonne heure.
Pourtant, je ne crois pas que le rire suffise à dissoudre la bêtise et la folie. À l’heure où je lis Patrick Brisebois, Bagdad est pilonnée par l’en deçà de toutes valeurs. Que faire devant ces vers ? : « [J]e veux une nouvelle / grande guerre / je veux des cadavres / partout / d’autres attentats » C’est ce qu’on appelle ne pas mâcher ses « dents ». L’angélisme et le pacifisme ne résoudront rien, j’en conviens, et surtout, seront de peu d’utilité devant le nihilisme radical. Que faire ? Six autres bières ? Une ligne de coke ? Écrire, dialoguer malgré tout ! En usant de ce qui existe : « [M]a merde est mon outil de travail ».
« Crépuscule des idoles » donc, que ce livre de la déréliction ? Chose certaine, j’y entends l’angoisse et le désir de la perte, la détresse et l’aigreur d’un homme qui se dit veule au point d’être indigne d’un seppeku avec arme d’acier. Écoutons-le.