Qu’est-ce qu’une vie réussie ? Luc Ferry, bien entendu, ne répond pas à la question. Son propos est plutôt de comprendre, ou de tenter de découvrir, pourquoi cette question revient invariablement sous la plume des grands esprits depuis la nuit des temps. Agrégé de philosophie et de sciences politiques, actuel ministre français de l’Éducation nationale, Luc Ferry manie le Verbe aussi bien que l’Idée. Il ne faut toutefois pas en conclure que son essai, bien qu’ayant fait l’objet d’un fort tirage, soit destiné au grand public. À moins de s’être forgé une solide culture philosophique, le lecteur aura du mal à démêler les écheveaux théoriques les plus complexes que Luc Ferry s’efforce néanmoins, parfois avec succès, de mettre à la portée de tous.
Existe-t-il du moins des critères objectifs pour évaluer une réussite ? Qu’en pensaient les Anciens ? En historien avisé, Luc Ferry nous fait retourner dans le passé et rencontrer les penseurs qui ont, avant lui, posé la même question. Il reste qu’on vit aujourd’hui dans un monde déserté par les transcendances, à une époque qui pour être désenchantée n’en est pas moins ambitieuse. Pourtant, les idéologies dominantes sont de toute évidence inopérantes. La performance, le rendement, le bien-être matériel (dont la quête serait d’ailleurs liée à des insatisfactions infantiles) mènent fatalement à la déception ‘ la réussite serait ailleurs. Peut-être dans la sotériologie, ou pour le dire plus clairement en français, dans cette doctrine du salut. Car Luc Ferry, qui plaide pour un nouvel humanisme, une forme peut-être de spiritualité laïque, défend cette idée : une vie réussie, qu’on se le dise, serait une vie sauvée.